À Michelet.

14 juillet [1860]. Hauteville-House.

Je viens de recevoir votre livre, et je l’ai lu sans respirer. Les hommes comme vous sont nécessaires. Puisque les siècles sont des sphynx, il faut qu’ils aient des Œdipes. Vous arrivez devant ces sombres énigmes, et vous en dites le mot terrible. Ce faux grand siècle, ce faux grand règne, il fallait le démasquer, lui ôter cette perruque qui cachait la tête de mort, montrer le crime sous la pompe, vous l’avez fait. Je vous remercie. — Oui, je vous remercie de ce livre comme d’un fait personnel. Ce Louis XIV me pèse. Dans un poëme encore inédit j’en ai parlé comme vous. J’aime cet accord entre nos deux âmes.

Tous vos livres sont des actions. Comme historien, comme philosophe, comme poëte, vous gagnez des batailles. Le progrès et la pensée vous compteront parmi leurs héros. Et quel peintre vous êtes ! Vous faites revivre ce règne avant de le décapiter. Je finis cette lettre, mais c’est pour reprendre votre livre, je ne vous quitte pas.

Cher grand penseur, je vous embrasse.

Victor Hugo.

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