À François-Victor.

11 juillet [1861].

Mont-St-Jean.

Par suite de tout nos va-et-vient, ta lettre de mercredi 3 (à ta mère) ne me parvient qu’aujourd’hui. J’ai écrit le 30 juin une lettre à M. Marquand qui en contenait une pour toi, une pour M. Kesler, une pour Marie, à qui j’envoyais 8 livres. M. Marquand a-t-il reçu cette lettre ? As-tu reçu la tienne ?

Cher enfant, je croyais qu’un acompte sur les 500 francs te suffirait ; mais puisque tu désires tout de suite toute la somme, la voici. Tu trouveras ci-inclus un mot pour le directeur de la Old Bank. Je te remettrai les 20 francs d’appoint à mon retour. Je vois sur ta lettre que tu finissais par t’attrister d’être seul à Guernesey. Pourquoi ne me l’as-tu pas écrit ? Je serais revenu immédiatement près de toi. Ma santé est rétablie, et j’aurais été charmé de t’aller retrouver. Du reste toutes ces dispersions-là ne valent rien. Celle-ci était nécessaire, mais, en dehors de la nécessité absolue, tout ce qui dissout notre groupe de famille est mauvais. Liberté, mais ensemble. Voilà ce qui est, je crois, le vrai et le sage. Tâche de le faire comprendre à ta mère. Quant à moi, je n’ai plus qu’une pensée, revenir le plus tôt possible à Guernesey. Attends-toi donc à me voir arriver. Si tu es encore à Jersey à ce moment-là, j’irai t’y embrasser, mon enfant chéri.

Quelles précautions as-tu prises en partant pour les manuscrits ? es-tu entièrement sûr ? puis-je être absolument tranquille ? Écris-moi un mot détaillé à ce sujet.

Voilà de l’argent. Amuse-toi, mon enfant chéri. On n’a pas besoin de te dire de travailler. Tu as en toi la même flamme que moi et la même volonté. Sois donc heureux là-bas. Puis reviens, que nous mangions mon raisin ensemble.

Écris-moi sous le couvert de ta mère, rue de Louvain, 26, à Bruxelles. Donne-moi des détails. Parle-moi de tous nos amis. Parle-moi de la maison. Que font Marie et Rosalie ? Je viens de passer deux jours à Bruxelles avec ta mère, ta sœur et Charles. Hetzel et Parfait y étaient venus exprès. Puis je suis revenu ici travailler. Les yeux de ta mère vont de mieux en mieux. À bientôt. Je t’aime bien profondément, cher fils.

Ma lettre aux Italiens a été reproduite par tous les journaux de Belgique, de France et d’Italie.

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