À George Sand.

Hauteville-House, 6 mai [1862].

Votre lettre m’a attristé. Jugez si ma surprise a été pénible. Je m’étais figuré que ce livre nous rapprocherait encore, et voici qu’il nous éloigne, qu’il nous désunit presque. J’en voudrais à ce livre si je ne le savais pas si honnête.

L’un de nous deux évidemment se trompe. Est-ce vous ? est-ce moi ? Votre franchise provoquant la mienne, laissez-moi vous dire que je crois que c’est vous.

J’avais fait ce rêve que vous, la grande George Sand, vous comprendriez mon cœur comme je comprends le vôtre. Dans tous les cas, vivant solitaire et face à face avec mon intention et tête à tête avec ma conscience, je suis sûr, sinon de ce que je fais, du moins de ce que je veux ; je suis sûr de mon cœur qui est tout à la justice, tout à l’idéal, tout à la raison, tout à ce qui est grand, généreux, beau et vrai, tout à vous, madame.

Victor Hugo.

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