À Théophile Gautier.

Hauteville-House, 3 Xbre [1862].

Cher Théophile, merci. Vous venez de me donner une joie de jeunesse. Il m’a semblé être au bon jeune temps. Je viens de lire ces pages de vous sur moi. Ma sombre chambre d’exil m’a tout à coup semblé pleine d’une clarté d’aurore.

Je n’ai qu’un mot pour caractériser votre commentaire de mes dessins ; c’est de la grâce magnifique. Vous refaites splendidement toutes ces ébauches et de votre plume elles sortent tableaux. Le peintre, c’est vous ; le poëte, c’est vous ; l’âme, c’est vous.

L’âme, ce mot que je viens d’écrire m’encourage à vous demander une toute petite correction. Je voudrais que dans ces pages splendides et charmantes, vous retranchassiez (tyrannie de l’imparfait du subjonctif) quatre mots. Vous les trouverez indiqués dans le morceau que je vous envoie. Voici ma raison :

L’éloge si mérité du graveur ne saurait être trop multiplié ; son nom est à sa place partout, excepté à la fin. À la fin, ne pensez-vous pas que je dois rester seul ? Ce n’est plus l’éloge, c’est la responsabilité qui commence et je ne dois pas m’abriter derrière Paul Chenay. Si vous pensez comme moi, vous effacerez ces quatre mots : reproduits par Paul Chenay. Vous pouvez, bien entendu, communiquer ma lettre et ma raison.

Cher grand poëte, je vous serre la main.

Victor Hugo.

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