À Paul Meurice.

H.-H., 14 mai [1863].

Vous savez bien, n’est-ce pas ? que mon silence est une songerie à mes amis. Souvent, c’est à force de penser toujours à ceux qui sont nôtres qu’on ne leur écrit pas. On se figure que la pensée va toute seule, et que tout ce qu’on a pour eux dans le cœur les cherche et les trouve sans le secours du timbre-poste. Que je voudrais donc vous serrer la main ! Quand vous reverrai-je ? Avez-vous souvenir de nos doux projets de l’an passé ? est-ce indiscret de vous les rappeler ? est-ce importun de vous faire resonger à ces joies ? J’ai travaillé tout l’hiver, passim, la tête plongée dans cette incubation de ma grande rêverie que vous savez. Dieu me donnera-t-il vie et force pour mener à fin cette immensité que mes ennemis appelleront énormité ?

Je suis un peu vieux pour mettre en mouvement les montagnes, et quelle montagne ! la Montagne même ! 93 ! enfin ! Diex el volt. Cher grand cœur que vous êtes, aimez-moi un peu. Où en sommes-nous de nos comptes ? Serez-vous assez bon pour remettre à ma femme, de ma part, 150 fr. Ma femme vous priera peut-être aussi de payer des valeurs. Que faites-vous en ce moment ? Quelle œuvre exquise et profonde préméditez-vous ? Écrivez-moi. Je vous aime bien.

V.

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