Au général Garibaldi, à Caprera

Hauteville-House, 20 décembre 1863.

Cher Garibaldi,

Nous avons foi tous les deux, et notre foi est la même. La renaissance des nations est infaillible. Quant à moi, j’ai la conviction profonde que, l’heure venue, peu de sang sera versé. L’Europe des Peuples fara da se. Les révolutions, même les plus heureuses et les plus nécessaires, ont leur responsabilité, et vous êtes comme moi, de ceux qui redoutent pour elles le poids énorme d’une goutte de sang de trop. Pas de sang du tout, ce serait l’idéal, et pourquoi pas l’idéal ? Quand l’idéal est atteint dans les hommes, et, à vous seul, vous suffisez pour le prouver, pourquoi ne l’atteindrait-on pas dans les choses ?

Le niveau des haines baisse à mesure que le niveau des âmes monte. Tâchons donc tous d’élever les âmes. La délivrance par la pensée, la révolution par la civilisation, tel est notre but, le vôtre comme le mien. Et quand il faudra livrer le dernier combat, on peut être tranquille, ce sera beau, généreux et grand ; ce sera doux autant que le combat peut l’être. Le problème est, en quelque sorte, tout résolu par votre présence. Vous êtes le héros de la paix traversant la guerre. Vous êtes l’épée juste.

Cher ami, je serre votre main illustre.

V. H.

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