À Louis Blanc.

Hauteville-House, 31 mars 1864.

Mon cher Louis Blanc,

Je reçois une circulaire au bas de laquelle je trouve la signature de M. Dixon. Je vous l’envoie sous ce pli.

J’aurais déjà envoyé ma souscription au Comité, s’il n’y avait, en ce qui me concerne, une difficulté que je vous soumets.

Dans le livre que je vais publier, et où je parle incidemment et, cela va sans dire, dans les meilleurs termes, du Comité, je me prononce contre l’idée d’une souscription. Une souscription, c’est l’ordinaire de ces sortes de manifestations. Or, pour Shakespeare, il faut plus que l’ordinaire. Je ne crois pas qu’on puisse faire moins pour lui que le vote d’un grand monument public par acte du Parlement ; le Parlement étant le représentant, incomplet sans doute, mais actuel, de la nation. C’est là, selon moi, que devrait tendre l’initiative du Comité.

Ayant écrit cela, qui va paraître, puis-je prendre part à la souscription ? Puis-je écrire d’une façon et agir de l’autre ?

Dans une matière qui intéresserait la conscience, nulle hésitation ; vous comme moi, répondrions immédiatement : non.

Le cas actuel admet moins de sévérité. Pourtant, n’y aurait-il pas inconséquence ?

Vous êtes sur le terrain, vous voyez les choses de près ; en même temps que toutes les forces de l’intelligence, vous en avez toutes les délicatesses, permettez-moi de vous faire juge de la question.

Si vous pensez que mon livre ne fait pas obstacle à ma souscription, vous pouvez dès à présent me faire inscrire sur la liste pour cinq livres sterling, et mon fils François-Victor également pour cinq livres. Je tiendrais ces dix livres à la disposition du Comité.

Si vous voyez inconvénient à ce que je semble me déjuger, et si c’est votre avis que je m’abstienne, je m’abstiendrai.

Mon amitié vous demande la permission de s’en rapporter à la vôtre.

Serez-vous assez bon pour communiquer ma lettre au Comité et à M. Dixon ?

Toujours à vous du fond du cœur.

V. H.

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