À Auguste Vacquerie.

H. H. 27 avril 1865.

Merci, cher Auguste, de vos belles et bonnes lignes dans La Presse. Merci pour vos envois où je sens votre amitié. Les Débats et le Temps me sont arrivés. Les autres point. Est-il vrai qu’il y ait dans L’Avenir national un long en-tête de Peyrat ? Kesler, qui arrive de Jersey, dit l’avoir vu sur le bateau. Les suppressions de chaque journal sont curieuses. Le Temps ôte la lettre de Voltaire ; les Débats ôtent le développement anti-royaliste sur l’Angleterre. Je suis comme vous. J’aime mieux faire un livre nouveau que publier un ouvrage fait ; c’est moins de peine et plus de résultat. La publication ne peut manquer tôt ou tard. De là le retard des Chansons des rues et des bois.

Avez-vous ouï parler d’une chose de cet être pour qui j’ai créé le mot philousophe, le sieur Pierre Leroux. Cela s’appelle la Grève de Samarez et aurait le désir d’être insolent contre vous et contre moi. Le Pierre Leroux dédie ce livre aux Péreire, souteneurs de Bonaparte. J’ai toujours pensé qu’il y avait du mouchard dans ce vieil escroc. — Vous savez, ce pauvre Henry que vous aviez surnommé le laboureur, un peu sauvage, mais bon ouvrier. Ce matin il est venu chez moi fort gai, il a travaillé, puis a été travailler dans un jardin voisin au grand soleil. Je travaillais aussi sur mon toit. Tout à coup Henry est tombé comme foudroyé. Nous avons envoyé chercher tous les médecins possibles. On l’a sinapisé. Rien ne l’a réveillé. On l’a transporté chez lui au Catel, à deux lieues d’ici. J’y suis allé. Je me suis approché de son lit. Sa femme m’a dit : il n’a pas ouvert les yeux. On lui parle. Il ne répond pas. Il ne connaît plus personne. — Je lui ai pris la main, et j’ai crié à haute voix : Henry. Il a ouvert les yeux et a dit : Ah ! Monsieur ! Puis il a souri. On espère maintenant le sauver.

Cher Auguste, je vous aime du fond du cœur.

V. H.

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