À Charles. À François-Victor.

Dimanche 25 juin [1865]. H.-H.

Le collationnement est terminé. J’ai gardé jusqu’à présent le secret du titre, je vous le confie à vous, mes bien-aimés. Ne le dites encore à personne. Le livre sera intitulé :

L’Abîme.

Il sera divisé en trois parties :

1° partie : Sieur Clubin (divisée en six livres).

2° partie : Gilliatt le malin (cinq livres).

3° partie : Déruchette (trois livres).

Les livres subdivisés en chapitres portent des titres. Ainsi les six livres de la première partie sont intitulés :

Livre I. L’homme mal famé ;

Livre II. L’archipel de la Manche ;

Livre III. La Chaise Gild-Holm-ur ;

Livre IV. Déruchette et Durande ;

Livre V. Le Revolver ;

Livre VI. Le capitaine sobre et le timonier ivre ;


et ainsi pour les autres livres. Mais ne dites pas encore tous ces détails. L’ouvrage fera, je pense, trois volumes, format des Misérables, édition de Bruxelles (première).

Le collationnement étant fini, le départ est fixé (sauf incident ou gros temps, peu probable) au mercredi 28 juin ; l’arrivée à Bruxelles sera par conséquent le vendredi 30 ou le samedi 1er juillet. Mon Victor, notre compagne de voyage, qui t’adore tout bonnement, te remercie des peines que tu as prises. Cet hôtel de la rue Royale lui semble bien cher. Pourrais-tu obtenir qu’elle eût une chambre (sans salon) au premier et qu’elle mangeât chez elle, le tout pour une moyenne de 10 fr. par jour ? Autrement elle pourrait être forcée de retourner à l’Hôtel de la Poste où jamais, (seule et ne faisant pas d’extra) elle n’a dépensé plus de 6 fr. par jour. Elle me recommande de te transmettre tous ces détails. J’obéis.

Je n’ai pas encore vérifié page à page le contenu de mon livre l’Abîme. Je ferai ce calcul à Bruxelles. J’étais si en train de travailler que je n’ai pu, en faisant l’Abîme, m’empêcher d’écrire en six jours une petite comédie en un acte, la Grand’mère, que je vous lirai. J’ai grand besoin de voyage, de déplacement, de changement d’air, de nos bonnes petites journées en voiture. J’aurais besoin, pour un livre, de voir l’Écosse et l’île de Man. Qu’en dirais-tu, Victor ? Qu’en dirais-tu, Charles ? Cela va coïncider avec le voyage annuel de votre bonne mère à Paris. J’ai encore beaucoup à faire dans ces deux jours-ci. J’ai déjà de grandes préparations de travail pour le 93 ; je classe et je mets tout cela en ordre, pour retrouver mes matériaux et mes notes prêts à mon retour. Il me tarde d’être avec vous deux dans notre petit chez nous roulant à deux chevaux ; mais quand serons-nous réunis à Hauteville avec votre mère bien-aimée ? Donc à vendredi ou à samedi. Je vous serre dans mes bras.

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