À Albert Lacroix.

H.-H., 29 novembre.

Mon cher monsieur Lacroix, le cas prévu par notre traité se présente. Sur l’annonce faite par les journaux, mes amis politiques m’écrivent de toutes parts pour me demander si j’ai bien réfléchi en acceptant de coopérer à un livre dont je n’ai pas lu une ligne et dont, pourtant la responsabilité dans une certaine mesure me reviendra. À cela, qui est fort juste, il n’y a qu’une réponse à faire :

Je connais le livre.

Il faut donc que je connaisse le livre Paris. J’ai dans l’homme de cœur et de talent qui dirige la rédaction confiance absolue, mais mon excellent et cher confrère Louis Ulbach, à qui je vous prie de communiquer cette lettre, sera le premier à me comprendre et à m’approuver. Ma situation est compliquée et délicate. Tel mot, qui semble acceptable à Paris, ne l’est pas à Guernesey. De plus, je ne puis mentir. Il faut donc, si vous continuez à souhaiter ma collaboration, que les bonnes feuilles me soient intégralement communiquées. Cela ne fera point de retard appréciable, car la dernière bonne feuille lue, j’enverrai la préface. Vous avez vous-même renoncé à l’envoi au 1er décembre, car vous ne m’avez pas même envoyé la Table que vous deviez m’adresser si promptement. Depuis mon départ de Bruxelles (7 octobre) je n’ai rien reçu de vous.

Il y a, dans la lecture préalable du livre, une question de dignité pour moi. Les questions de dignité, une fois qu’on se les pose, sont impérieuses pour la conscience, et ne se discutent pas. Je répète du reste que cela n’entraînera aucun retard ; mon travail est presque achevé. J’y renoncerais pourtant plutôt que de renoncer à la communication que je vous demande, et qui d’ailleurs me sera au plus haut degré utile, nécessaire même pour terminer.

Croyez à toute ma cordialité.

Victor Hugo.

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