À Madame Victor Hugo.

H.-H., 14 décembre 1866.

Chère bien-aimée, c’est ta fête, et c’est aussi la mienne, puisque tes yeux vont tout à fait mieux. Vos beaux yeux, Madame, tiennent leur promesse, et je les remercie. Maintenant pour bouquet je t’offre une bonne action que tu eusses faite. Je te la donne. La voici :

Notre pauvre Kesler est à la côte. Croirais-tu qu’il en est venu à devoir cinq mille francs ? Il faut qu’il renonce à son genre de vie trop onéreux. Je le recueille chez moi. Il logera à Hauteville-House, sera nourri, chauffé, servi, défrayé. Il n’aura plus de dépense, et continuera de donner des leçons. Or il gagne 3 000 francs par an. Avec la vente de ses meubles, et une année de ses leçons, il sera libéré. Il est vieux, et dans l’âge de ne plus trop travailler. C’est pourquoi il restera chez moi tant qu’il voudra, toujours si cela lui plaît, et je partagerai avec lui, sur le radeau d’exil, ma croûte de pain, tant que j’aurai une croûte de pain. Il est sauvé, tranquille, heureux, et je t’envoie son bonheur pour ta fête.

Dis à Auguste que ma prochaine lettre sera pour lui, j’ai à répondre aux diverses choses qu’il m’a écrites ; tout ce qu’il fait est bien.

Bien-aimée, continue de te guérir, et prends en bloc toutes les tendresses qu’a pour toi mon vieux cœur.

V.

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