À Pierre Véron.

[Fin mars ou avril 1866.]

Mon vaillant et cher confrère.

Par ce temps de lettres interceptées, je ne sais jamais si mes lettres arrivent. Je vous ai écrit, ainsi qu’à M. Ch. Bataille, et il me semble que mes lettres ont dû vous parvenir, puisque je crois avoir reçu des réponses. Ces réponses, ce sont de cordiales et amicales paroles que m’apporte le Charivari. Aujourd’hui, je lis une noble page de vous sur Les Travailleurs de la mer. Vous parlez de ce livre magnifiquement. J’ai voulu glorifier le travail, la volonté, le dévouement, tout ce qui fait l’homme grand ; j’ai voulu montrer que le plus implacable des abîmes, c’est le cœur, et que ce qui échappe à la mer n’échappe pas à la femme ; j’ai voulu indiquer que, lorsqu’il s’agit d’être aimé, tout faire est vaincu par ne rien faire, et Gilliatt par Ébenezer ; j’ai voulu prouver que vouloir et comprendre suffisent, même à l’atome, pour triompher du plus formidable des despotes : l’Infini. Toutes ces choses, vous les faites pressentir magistralement dans ces quelques lignes si pleines d’idées. Vous savez comme j’aime votre fier et franc talent, où l’esprit assaisonne en doses exquises la conscience et la dignité. Vous êtes avec le progrès ; vous comprenez la révolution littéraire aussi complètement que la révolution politique. C’est ce qui fait de vous un chef d’intelligences. Je vous serre les deux mains.

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