Bruxelles, 8 août [1866].
Ô mon cher poëte, que de choses belles et que de choses charmantes ! Pas une page qui n’étincelle. Pas un mot qui ne chante et qui ne pense. Car chanter, c’est penser. L’Hymne, c’est le Verbe. Je l’ai, votre livre, cette eau vive si douce au cœur des misérables ; j’y bois, car j’ai souffert, et je suis altéré. J’ai soif. Gloire à vous, poëtes, irrigui fontes !
Vous êtes, vous, une des plus pures et des plus exquises sources, et vos gouttes d’eau sont des perles, et vos perles sont des larmes, et vos larmes sont ma joie. Tel est le poëte. C’est avec sa douleur qu’il console. On touche sa plaie et l’on est guéri. La magnifique poésie du dix-neuvième siècle, fille de la Révolution et de la liberté éternelle, met sur votre tête nue une de ses plus belles couronnes.
Je vous embrasse, ô doux poëte des poëtes, ô exilé idéal, ami des Dantes et des Homères. Vous avez tous les torts du cygne ; vous chantez comme lui, mais vous ne mourez pas.