à Mounet-Sully.

Hauteville-House, 10 janvier.

Mon cher Mounet-Sully,

vous êtes un noble artisan. Je vous considère comme un de mes plus précieux auxiliaires. Le succès est dû au talent, vous avez l’un et l’autre. Courage donc ! Mon travail me cloue dans la solitude où je suis : je ne puis aller en ce moment à Paris ; il importe que Marion De Lorme soit jouée en janvier ; sans quoi je vous dirais : venez donc ! Je vous offrirais la rustique hospitalité de ma masure ; c’est la vieille maison d’exil. Elle vous recevrait porte ouverte à deux battants, ainsi que Mademoiselle Favart, si ma belle, charmante et pathétique Marion De Lorme voulait prendre la peine d’enjamber l’océan pour moi. Elle doit se souvenir, cette ravissante Stella, que le lion océan est amoureux d’elle. Dites-le lui de ma part, elle m’apporterait le printemps en plein hiver. Malheureusement, je crains que tout cela n’ajoute un retard à des retards, et la saison s’avance beaucoup. — M Perrin qui est un excellent esprit peut décider toutes ces questions mieux que moi. Mais soyez tranquille, vous ; avec moi, ou sans moi, vous réussirez ; votre beau talent a conquis le public. Didier sera pour vous une victoire de plus. Quant à moi, je ne compte pas.

Offrez mes hommages à ma belle Marion, et recevez mon cordial applaudissement.

Victor Hugo.

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