À Auguste Vacquerie.

Chaudfontaine, 7 7bre.

Cher Auguste, bien qu’une dépêche électrique, publiée par tous les journaux, annonce que je suis à Genève avec Garibaldi et Louis Blanc, j’ai assez d’ubiquité pour pouvoir répondre de Chaudfontaine à votre lettre arrivée hier. Votre doux envoi nous a émus profondément, et les yeux de la mère sont restés longtemps fixés sur ces chères feuilles vertes, qui leur ont fait du bien. Le 4 septembre nous parlions, elle et moi, de notre fille et de votre frère, et pendant que vous étiez sur la tombe, nous étions dans le souvenir. Moi, vous le savez, j’évoque sans cesse les morts, penser à eux, cela les fait venir vers nous, quand notre mémoire appelle, leur ombre s’approche. Je suis beaucoup plus voisin de l’autre vie que de celle-ci, et il me semble que j’ai parfois devant l’œil de mon âme des silhouettes très nettes de ce grand monde de lumière qui vit au delà de nous. De là ma foi profonde dans la mort, qui est la plus grande des espérances. — Cela me rend très facile la descente de la pente obscure appelée vieillesse. — Vous, qui avez la jeunesse virile et la vie en plein midi, vous savez pourtant si bien tout comprendre que vous ne me trouverez ni chimérique, ni visionnaire. Les tombes vous parlent à vous aussi, d’un peu plus loin, mais tout aussi distinctement qu’à moi. Au besoin, vous cueillez sur le tombeau le rameau sacré. Merci de nous l’avoir envoyé. Je suis en communion aussi intime avec votre grand cœur qu’avec votre grand esprit.

V.

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