À Hetzel.

H.-H., 11 juin.

Je reçois votre mot, et cette étrange contrefaçon. Je vous réponds bien vite. Je n’ai rien vendu ni concédé de ce genre. Ma concession à la maison Duriez a expiré en 1851. Vous lui avez succédé. Je ne comprends absolument rien à cette édition Tresse qui me semble comme à vous toute neuve. Si elle datait de seize ans reliquat, ce ne serait pas ce papier tout frais. Il serait jauni. Et d’ailleurs comment croire à un reliquat de seize ans ? Suis-je dans la forêt de Bondy ? Il me semble que je sens une main dans ma poche.

Mais, vous le savez, il n’y a pas de juges pour moi. Mes procès sont d’avance perdus.

Peut-être y a-t-il des juges pour vous ? Vous êtes mon cessionnaire. Faites ce que vous croirez utile. J’affirme, moi, que c’est une contrefaçon : Mot doux.

Merci pour cette chose sur Paris. Vous m’en parlez avec toute votre grâce charmante et cordiale. Je crois comme vous qu’une édition populaire ne pourrait que servir le livre de Lacroix.

Mettez mes hommages aux pieds de Mme Hetzel.

V.

Je viens de lire dans un très remarquable article de M. Villemot (sur Frédérick Lemaître) des paroles excellentes pour Ruy Blas et moi. Voulez-vous le remercier de ma part ? J’aurai probablement occasion de lui écrire à propos d’Hernani.

23 juin. — Ma lettre ne pouvant partir que demain lundi, vu ce bon dimanche anglais, j’y ajoute ceci que ma mémoire me rappelle :

— J’ai traité avec Gaillard, Rampin et Duriez en 1838 pour mes Œuvres complètes. Concession, onze années. 1848 ayant été funeste à la librairie, à cause des événements, j’ai de moi-même et sans qu’ils me le demandassent, donné une année de plus (dont ils m’ont remercié par lettre) à mes cessionnaires. Leur privilège, qui devait expirer en 1849, a donc été prolongé jusqu’en 1850 par ma bonne volonté. Il leur était interdit de réimprimer dans la dernière année. L’édition Tresse devrait donc être de 1849. Elle aurait dix-huit ans de magasin. Voyez si cela est possible. Il y a évidemment quelque chose à faire. Croyez-vous que M. Plon, si on lui parlait, se prêterait à couvrir la fraude ? Manibus tuis rem nostram commendo, c’est égal, j’admire l’audace. M. Lévy est fort. Rétablir Méline et Cans en plein Paris, c’est bien compter sur l’injustice de la justice.

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