À Madame Victor Hugo. À Charles et à François-Victor.

[Début de mars 1867.]

           3° Question Hernani. Auguste vous l’a sans doute écrit, et vous m’approuvez. Je me tire d’affaire en créant un alter ego (composé de cinq) qui me remplacera, et décidera en connaissance de cause tout ce que je ne puis décider qu’à tâtons, à commencer par la distribution. Mon Charles, il faut tenir compte des obstacles inhérents au théâtre. Les cinq sont Vacquerie, Meurice, Thierry, C. Doucet et Paul Foucher. (Paul m’a fait une avance très cordiale, et j’essaie encore une fois de la réconciliation).) Du reste, je vois cette reprise moins en beau que vous. Je n’aurai que la quantité de succès que voudra le gouvernement. On peut me faire une première représentation de police. Je suis absolument dans la gueule du bon loup Bonaparte. Or cette gueule n’est pas rose. Quant à l’argent, j’y perdrai. Ces reprises me prennent un temps effrayant. Je reçois cinquante lettres par courrier, sans compter les journaux auxquels il faut répondre. En dehors du théâtre, Beauvallet, Laferrière, Judith, etc., me demandent des rôles. Quand j’ai écrit dans une journée vingt lettres, je ne puis écrire vingt pages. Cela interrompt presque mon travail. J’allais faire Torquemada, impossible au milieu de ce tourbillon. Hernani commence par me coûter Torquemada. Que sera-ce si le reste du répertoire suit ? J’en ai pour trois ans. Que vont devenir mes travaux sous ce flot de pièces rentrant en plein océan ? Jugez vous-mêmes. Dieu m’aidera, j’espère ; dans tous les cas je m’aiderai.

Question ménage. — J’approuve, chère bien-aimée, tout ce que tu m’écris. Tu sais à quel point je suis obéré en ce moment. Je t’envoie une traite sur Mallet frères de Paris à vue à ton ordre de 2 400 fr. qui se décomposent ainsi. Vous voilà cette fois tout à fait en avance, et plus qu’à flot ; réalise, je te prie, les économies dont tu as vu la nécessité. Je prie Victor de dire au sieur Verbays que je n’ai pas encore eu le temps d’examiner ses comptes, et que je le réglerai le mois prochain. N’employez plus ce sieur.

Soignez vos beaux yeux, Madame la vicomtesse Victor Hugo. J’arrive à temps, je pense, pour embrasser Jean, plus la mère de Jean, le père de Jean, l’oncle de Jean, et la grand’mère de Jean.

Le Grand-père de Jean.

Autre chose fâcheuse. Cette Introduction qui va réveiller les haines, va paraître juste à temps pour nuire à Hernani qui n’a pas besoin de cette recrudescence. Tout serait sauvé si le livre Paris et par conséquent la préface ne paraissaient qu’après la reprise de Hernani. Mais aurai-je cette chance ? J’ai peur que non. Écrivez-moi à ce sujet. Demandes pressantes de tous les théâtres. Lettre enthousiaste et ardente de Chilly pour avoir Ruy Blas.

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