À Victor Mangin, Rédacteur en chef du Phare de la Loire.

Hauteville-House, 7 juin 1867.

Mon honorable et cher concitoyen,

Il va sans dire que je ne demande aucune publicité pour les lignes que vous allez lire.

Je n’ai jamais rectifié les erreurs répandues sur mon compte, et je ne commencerai pas aujourd’hui ; je n’ai point demandé la rectification que le Figaro a publiée ; les journaux ont autre chose à faire que d’enregistrer de petits démentis à de petits faits.

Aujourd’hui, du reste, le renseignement que je vous transmets, à vous personnellement et comme ami, est loin d’être un démenti, c’est une confirmation.

Je lis dans le Phare de la Loire du 5 juin :

Les quais et les catalogues nous réservent des révélations lamentables. Voici ce qu’on lit dans le Bulletin du Bouquiniste, d’Auguste Aubry :
« 2284. Vigny (Alfred de). Poèmes. Paris, Gosselin, 1829, in-8° demi-reliure, figure de Johannot sur le titre.
« On lit, sur le titre : « À mon grand et cher Victor, Alfred de Vigny. »

Il y a mieux.

J’ai sous les yeux un catalogue imprimé d’autographes mis en vente, en 1867, lequel ne contient pas moins de trente-huit mentions semblables à celles du Bulletin du Bouquiniste, et toutes me concernant.

L’explication, la voici :

Il y a eu un jour dans ma vie à la suite duquel beaucoup de mes papiers et de mes livres ont été dispersés moi absent. Ce jour-là je suis sorti le matin de chez moi sans savoir que je n’y rentrerais pas le soir.

Quel est ce jour ? Le 2 décembre 1851.

Vous le voyez, je confirme et je complète les révélations lamentables, et je profite de l’occasion pour vous envoyer, cher et vaillant lutteur, un cordial serrement de main.

Victor Hugo.

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