IV

Ne doutons pas ! croyons ! La fin, c’est le mystère.

Attendons. Des Nérons comme de la panthère

Dieu sait briser la dent.

Dieu nous essaie, amis. Ayons foi, soyons calmes,

Et marchons. Ô désert ! s’il fait croître des palmes,

C’est dans ton sable ardent !

Parce qu’il ne fait pas son œuvre tout de suite,

Qu’il livre Rome au prêtre et Jésus au jésuite,

Et les bons au méchant,

Nous désespérerions ! de lui ! du juste immense !

Non ! non ! lui seul connaît le nom de la semence

Qui germe dans son champ.

Ne possède-t-il pas toute la certitude ?

Dieu ne remplit-il pas ce monde, notre étude,

Du nadir au zénith ?

Notre sagesse auprès de la sienne est démence.

Et n’est-ce pas à lui que la clarté commence,

Et que l’ombre finit ?

Ne voit-il pas ramper les hydres sur leurs ventres ?

Ne regarde-t-il pas jusqu’au fond de leurs antres

Atlas et Pélion ?

Ne connaît-il pas l’heure où la cigogne émigre ?

Sait-il pas ton entrée et ta sortie, ô tigre,

Et ton antre, ô lion ?

Hirondelle, réponds, aigle à l’aile sonore,

Parle, avez-vous des nids que l’Éternel ignore ?

Ô cerf, quand l’as-tu fui ?

Renard, ne vois-tu pas ses yeux dans la broussaille ?

Loup, quand tu sens la nuit une herbe qui tressaille,

Ne dis-tu pas : c’est lui !

Puisqu’il sait tout cela, puisqu’il peut toute chose,

Que ses doigts font jaillir les effets de la cause

Comme un noyau d’un fruit,

Puisqu’il peut mettre un ver dans les pommes de l’arbre,

Et faire disperser les colonnes de marbre

Par le vent de la nuit ;

Puisqu’il bat l’océan pareil au bœuf qui beugle,

Puisqu’il est le voyant et que l’homme est l’aveugle,

Puisqu’il est le milieu,

Puisque son bras nous porte, et puisqu’à son passage

La comète frissonne ainsi qu’en une cage

Tremble une étoupe en feu ;

Puisque l’obscure nuit le connaît, puisque l’ombre

Le voit, quand il lui plaît, sauver la nef qui sombre,

Comment douterions-nous,

Nous qui, fermes et purs, fiers dans nos agonies,
Sommes debout devant toutes les tyrannies,

Pour lui seul, à genoux !

D’ailleurs, pensons. Nos jours sont des jours d’amertume,

Mais, quand nous étendons les bras dans cette brume,

Nous sentons une main ;

Quand nous marchons, courbés, dans l’ombre du martyre,

Nous entendons quelqu’un derrière nous nous dire :

C’est ici le chemin.

Ô proscrits, l’avenir est aux peuples ! Paix, gloire,

Liberté, reviendront sur des chars de victoire

Aux foudroyants essieux ;

Ce crime qui triomphe est fumée et mensonge.

Voilà ce que je puis affirmer, moi qui songe

L’œil fixé sur les cieux.

Les césars sont plus fiers que les vagues marines,

Mais Dieu dit : — Je mettrai ma boucle en leurs narines,

Et dans leur bouche un mors,

Et je les traînerai, qu’on cède ou bien qu’on lutte,

Eux et leurs histrions et leurs joueurs de flûte,

Dans l’ombre où sont les morts !

Dieu dit ; et le granit que foulait leur semelle

S’écroule, et les voilà disparus pêle-mêle

Dans leurs prospérités !

Aquilon ! aquilon ! qui viens battre nos portes,

Oh ! dis-nous, si c’est toi, souffle, qui les emportes,

Où les as-tu jetés ?

Share on Twitter Share on Facebook