IV

L’Égypte ! — Elle étalait, toute blonde d’épis,

Ses champs, bariolés comme un riche tapis,

Plaines que des plaines prolongent ;

L’eau vaste et froide au nord, au sud le sable ardent

Se disputent l’Égypte : elle rit cependant

Entre ces deux mers qui la rongent.

Trois monts bâtis par l’homme au loin perçaient les cieux

D’un triple angle de marbre, et dérobaient aux yeux

Leurs bases de cendre inondées ;

Et, de leur faîte aigu jusqu’aux sables dorés,

Allaient s’élargissant leurs monstrueux degrés,

Faits pour des pas de six coudées.

Un sphinx de granit rose, un dieu de marbre vert,

Les gardaient, sans qu’il fût vent de flamme au désert

Qui leur fît baisser la paupière.

Dix vaisseaux au flanc large entraient dans un grand port.

Une ville géante, assise sur le bord,

Baignait dans l’eau ses pieds de pierre.

On entendait mugir le semoun meurtrier,

Et sur les cailloux blancs les écailles crier

Sous le ventre des crocodiles.

Les obélisques gris s’élançaient d’un seul jet.

Comme une peau de tigre, au couchant s’allongeait

Le Nil jaune, tacheté d’îles.

L’astre-roi se couchait. Calme, à l’abri du vent,

La mer réfléchissait ce globe d’or vivant,

Ce monde, âme et flambeau du nôtre ;

Et dans le ciel rougeâtre et dans les flots vermeils,

Comme deux rois amis, on voyait deux soleils

Venir au-devant l’un de l’autre.

*

— Où faut-il s’arrêter ? dit la nuée encor.

— Cherche ! dit une voix dont trembla le Thabor.

Share on Twitter Share on Facebook