II

À Rome, où du Sénat hérite le conclave,

À l’Elbe, aux monts blanchis de neige ou noirs de lave,

Au menaçant Kremlin, à l’Alhambra riant,

Il est partout ! — Au Nil, je le rencontre encore.

L’Égypte resplendit des feux de son aurore ;

Son astre impérial se lève à l’orient.

Vainqueur, enthousiaste, éclatant de prestiges,

Prodige, il étonna la terre des prodiges.

Les vieux scheiks vénéraient l’émir jeune et prudent,

Le peuple redoutait ses armes inouïes ;

Sublime, il apparut aux tribus éblouies

Comme un Mahomet d’Occident.

Leur féerie a déjà réclamé son histoire ;

La tente de l’arabe est pleine de sa gloire.

Tout bédouin libre était son hardi compagnon ;

Les petits enfants, l’œil tourné vers nos rivages,

Sur un tambour français règlent leurs pas sauvages,

Et les ardents chevaux hennissent à son nom.

Parfois il vient, porté sur l’ouragan numide,

Prenant pour piédestal la grande pyramide,

Contempler les déserts, sablonneux océans.

Là, son ombre, éveillant le sépulcre sonore,

Comme pour la bataille, y ressuscite encore

Les quarante siècles géants.

Il dit : Debout ! Soudain chaque siècle se lève,

Ceux-ci portant le sceptre et ceux-là ceints du glaive,

Satrapes, pharaons, mages, peuple glacé ;

Immobiles, poudreux, muets, sa voix les compte ;

Tous semblent, adorant son front qui les surmonte,

Faire à ce roi des temps une cour du passé.

Ainsi tout, sous les pas de l’homme ineffaçable,

Tout devient monument ; il passe sur le sable,

Mais qu’importe qu’Assur de ses flots soit couvert,

Que l’aquilon sans cesse y fatigue son aile !

Son pied colossal laisse une trace éternelle

Sur le front mouvant du désert.

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