LII

 

Ô rois, de qui je vois les royaumes, là-bas,

Au fond d’un gouffre plein de foudre et de combats,

Je ne sais pas combien de temps Dieu vous accorde ;

Mais je sais qu’il me donne en sa miséricorde

Un petit coin de terre où la rose fleurit.

La vaste mer connaît mon île et lui sourit,

Et murmure à mes pieds son doux épithalame,

Et je ne connais rien de plus calmant pour l’âme

Que cette solitude immense, où j’ai des fleurs.

Les frais zéphyrs de mai, mystérieux souffleurs,

Me chuchotent des vers de Virgile à l’oreille ;

Le printemps n’admet pas ce qui le dépareille,

Il chasse grêle et neige, et sur l’hiver descend

Avec le gai courroux d’un enfant tout-puissant ;

L’aurore et la jeunesse entrent en équilibre ;

Partout éclate et rit la grande leçon libre

D’amour, que chacun donne et que chacun reçoit ;

Nul n’échappe à la loi divine, quel qu’il soit ;

La jeune fille montre au jeune homme la mousse ;

Le petit oiseau voit comment la feuille pousse

Autour de l’humble nid, par le chêne adopté ;

Le papillon enseigne au lys la volupté ;

Je contemple ce tas d’écoles buissonnières ;

Et je hais l’affreux vent qui gonfle vos bannières !

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