IV

Les caps aux lugubres formes

Se dressent de tous côtés

Comme des talons énormes

D’archanges précipités.

L’eau bat le roc qu’elle insulte,

Le vent bat l’eau qu’il poursuit ;

Toute l’onde est un tumulte

De montagnes dans la nuit.

L’écume ; ni bords, ni centres ;

De blancs flocons ; l’ouragan.

Chaque vague est un des antres

Où bâille l’hydre océan.

On ne voit rien que la trombe

Où la brume s’élargit ;

C’est du hurlement qui tombe,

De la neige qui rugit.

L’onde sans fond court sans terme ;

L’eau roule en plis tortueux ;

Chaque flot s’ouvre, se ferme,

Se rouvre… — ô flots monstrueux !

À jamais l’infini sombre

Refait, défait, reconstruit

Les écroulements sans nombre

De ces cavernes de bruit.

À jamais la vague essuie

Le roc vert, l’écueil félon,

Et, sous ses haillons de pluie,

Sous ses cheveux d’aquilon,

Chargé de siècles et d’âges,

Soufflant dans de noirs clairons,

Faisant un bruit de cordages,

De tempête et d’avirons,

Au fond de l’ombre insondable

Où l’astre meurt prisonnier,

Le pâle hiver formidable

Passe, effrayant nautonier.

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