I

Ô vous, mes vieux amis, si jeunes autrefois,

Qui comme moi des jours avez porté le poids,

Qui de plus d’un regret frappez la tombe sourde,

Et qui marchez courbés, car la sagesse est lourde ;

Mes amis ! qui de vous, qui de nous n’a souvent,

Quand le deuil à l’œil sec, au visage rêvant,

Cet ami sérieux qui blesse et qu’on révère,

Avait sur notre front posé sa main sévère,

Qui de nous n’a cherché le calme dans un chant !

Qui n’a, comme une sœur qui guérit en touchant,

Laissé la mélodie entrer dans sa pensée !

Et, sans heurter des morts la mémoire bercée,

N’a retrouvé le rire et les pleurs à la fois

Parmi les instruments, les flûtes et les voix !

Qui de nous, quand sur lui quelque douleur s’écoule,

Ne s’est glissé, vibrant au souffle de la foule,

Dans le théâtre empli de confuses rumeurs !

Comme un soupir parfois se perd dans des clameurs,

Qui n’a jeté son âme, à ces âmes mêlée,

Dans l’orchestre où frissonne une musique ailée,

Où la marche guerrière expire en chant d’amour,

Où la basse en pleurant apaise le tambour !

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