II

Écoutez ! écoutez ! du maître qui palpite,

Sur tous les violons l’archet se précipite.

L’orchestre tressaillant rit dans son antre noir.

Tout parle. C’est ainsi qu’on entend sans les voir,

Le soir, quand la campagne élève un sourd murmure,

Rire les vendangeurs dans une vigne mûre.

Comme sur la colonne un frêle chapiteau,

La flûte épanouie a monté sur l’alto.

Les gammes, chastes sœurs dans la vapeur cachées,

Vident et remplissent leurs amphores penchées,

Se tiennent par la main et chantent tour à tour.

Tandis qu’un vent léger fait flotter alentour,

Comme un voile folâtre autour d’un divin groupe,

Ces dentelles du son que le fifre découpe.

Ciel ! voilà le clairon qui sonne. À cette voix,

Tout s’éveille en sursaut, tout bondit à la fois.

La caisse aux mille échos, battant ses flancs énormes,

Fait hurler le troupeau des instruments difformes,

Et l’air s’emplit d’accords furieux et sifflants

Que les serpents de cuivre ont tordus dans leurs flancs.

Vaste tumulte où passe un hautbois qui soupire !

Soudain du haut en bas le rideau se déchire ;

Plus sombre et plus vivante à l’œil qu’une forêt,

Toute la symphonie en un hymne apparaît.

Puis, comme en un chaos qui reprendrait un monde,

Tout se perd dans les plis d’une brume profonde.

Chaque forme du chant passe en disant : Assez !

Les sons étincelants s’éteignent dispersés.

Une nuit qui répand ses vapeurs agrandies

Efface le contour des vagues mélodies,

Telles que des esquifs dont l’eau couvre les mâts ;

Et la strette, jetant sur leur confus amas

Ses tremblantes lueurs largement étalées,

Retombe dans cette ombre en grappes étoilées !

Ô concert qui s’envole en flamme à tous les vents !

Gouffre où le crescendo gonfle ses flots mouvants !

Comme l’âme s’émeut ! comme les cœurs écoutent !

Et comme cet archet d’où les notes dégouttent,

Tantôt dans le lumière et tantôt dans la nuit,

Remue avec fierté cet orage de bruit !

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