V

Car il ne suffit point d’avoir été des rois, D’avoir porté le sceptre, et le globe, et la croix, Pour que le fier poète et l’altier statuaire Étoilent dans sa nuit votre drap mortuaire, Et des hauts panthéons vous ouvrent les chemins.

C’est vous-mêmes, ô rois, qui de vos propres mains Bâtissez sur vos noms ou la gloire ou la honte ! Ce que nous avons fait tôt ou tard nous raconte. On peut vaincre le monde, avoir un peuple, agir Sur un siècle, guérir sa plaie ou l’élargir, — Lorsque vos missions seront enfin remplies, Des choses qu’ici-bas vous aurez accomplies Une voix sortira, voix de haine ou d’amour, Sombre comme le bruit du verrou dans la tour Ou douce comme un chant dans le nid des colombes, Qui fera remuer la pierre de vos tombes. Cette voix, l’avenir, grave et fatal témoin, Est d’avance penché qui l’écoute de loin ! Et là, point de caresse et point de flatterie, Point de bouche à mentir façonnée et nourrie, Pas d’hosanna payé, pas d’écho complaisant Changeant la plainte amère en cri reconnaissant.

Non, les vices hideux, les trahisons, les crimes, Comme les dévouements et les vertus sublimes, Portent un témoignage intègre et souverain. Les actions qu’on fait ont des lèvres d’airain.

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