VI

Dans ma retraite obscure où, sous mon rideau vert,

Luit comme un œil ami maint vieux livre entr'ouvert,

Où ma bible sourit dans l’ombre à mon Virgile,

J’écoute ces trois voix. Si mon cerveau fragile

S’étonne, je persiste ; et, sans peur, sans effroi,

Je les laisse accomplir ce qu’elles font en moi.

Car les hommes, troublés de ces métamorphoses,

Composent leur sagesse avec trop peu de choses.

Tous ont la déraison de voir la Vérité

Chacun de sa fenêtre et rien que d’un côté,

Sans qu’aucun d’eux, tenté par ce rocher sublime,

Aille en faire le tour et monte sur sa cime.

Et de ce triple aspect des choses d’ici-bas,

De ce triple conseil que l’homme n’entend pas,

Pour mon cœur où Dieu vit, où la haine s’émousse,

Sort une bienveillance universelle et douce

Qui dore comme une aube et d’avance attendrit

Le vers qu’à moitié fait j’emporte en mon esprit

Pour l’achever aux champs avec l’odeur des plaines

Et l’ombre du nuage et le bruit des fontaines !

       15 avril 1840.

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