II

Oh ! Paris est la cité mère !

Paris est le lieu solennel

Où le tourbillon éphémère

Tourne sur un centre éternel !

Paris ! feu sombre ou pure étoile !

Morne Isis couverte d’un voile !

Araignée à l’immense toile

Où se prennent les nations !

Fontaines d’urnes obsédée !

Mamelle sans cesse inondée

Où pour se nourrir de l’idée

Viennent les générations !

Quand Paris se met à l’ouvrage

Dans sa forge aux mille clameurs,

A tout peuple heureux, brave ou sage,

Il prend ses lois, ses dieux, ses mœurs.

Dans sa fournaise, pêle-mêle,

Il fond, transforme et renouvelle

Cette science universelle

Qu’il emprunte à tous les humains ;

Puis il rejette aux peuples blêmes

Leurs sceptres et leurs diadèmes,

Leurs préjugés et leurs systèmes,

Tout tordus par ses fortes mains !

Paris qui garde, sans y croire,

Les faisceaux et les encensoirs,

Tous les matins dresse une gloire,

Eteint un soleil tous les soirs ;

Avec l’idée, avec le glaive,

Avec la chose, avec le rêve,

Il refait, recloue et relève

L’échelle de la terre aux cieux ;

Frère des Memphis et des Romes,

Il bâtit au siècle où nous sommes,

Une Babel pour tous les hommes,

Un Panthéon pour tous les dieux !

Ville qu’un orage enveloppe !

C’est elle, hélas ! qui, nuit et jour,

Réveille le géant Europe

Avec sa cloche et son tambour !

Sans cesse, qu’il veille ou qu’il dorme,

Il entend la cité difforme

Bourdonner sur sa tête énorme

Comme un essaim dans la forêt.

Toujours Paris s’écrie et gronde.

Nul ne sait, question profonde !

Ce que perdrait le bruit du monde

Le jour où Paris se tairait !

Share on Twitter Share on Facebook