III

Il se taira pourtant ! – Après bien des aurores,

Bien des mois, bien des ans, bien des siècles couchés,
Quand cette rive où l’eau se brise aux ponts sonores

Sera rendue aux joncs murmurants et penchés ;

Quand la Seine fuira de pierres obstruée,

Usant quelque vieux dôme écroulé dans ses eaux,

Attentive au doux vent qui porte à la nuée

Le frisson du feuillage et le chant des oiseaux ;

Lorsqu’elle coulera, la nuit, blanche dans l’ombre,

Heureuse, en endormant son flot longtemps troublé,

De pouvoir écouter enfin ces voix sans nombre

Qui passent vaguement sous le ciel étoilé ;

Quand de cette cité, folle et rude ouvrière,

Qui, hâtant les destins à ses murs réservés,

Sous son propre marteau s’en allant en poussière,

Met son bronze en monnaie et son marbre en pavés ;

Quand des toits, des clochers, des ruches tortueuses,

Des porches, des frontons, des dômes pleins d’orgueil

Qui faisaient cette ville, aux voix tumultueuses,

Touffue, inextricable et fourmillante à l’œil,

Il ne restera plus dans l’immense campagne,

Pour toute pyramide et pour tout panthéon,

Que deux tours de granit faites par Charlemagne,

Et qu’un pilier d’airain fait par Napoléon ;

Toi, tu complèteras le triangle sublime !

L’airain sera la gloire et le granit la foi ;

Toi, tu seras la porte ouverte sur la cime

Qui dit : il faut monter pour venir jusqu’à moi !

Tu salueras là-bas cette église si vieille,

Cette colonne altière au nom toujours accru,

Debout peut-être encore, ou tombée, et pareille

Au clairon monstrueux d’un titan disparu.

Et sur ces deux débris que les destins rassemblent,

Pour toi l’aube fera resplendir à la fois

Deux signes triomphants qui de loin se ressemblent.

De près l’un est un glaive et l’autre est une croix !

Sur vous trois poseront mille ans de notre France.

La colonne est le chant d’un règne à peine ouvert.

C’est toi qui finiras l’hymne qu’elle commence.

Elle dit : Austerlitz ! tu diras : Champaubert !