III

Vous vous taisez. – Mais moi, moi dont parfois le chant

Se refuse à l’aurore et jamais au couchant,

Moi que jadis à Reims Charles admit comme un hôte,

Moi qui plaignis ses maux, moi, qui blâmai sa faute,

Je ne me tairai pas. Je descendrai, courbé,

Jusqu’au caveau profond où dort ce roi tombé ;

Je suspendrai ma lampe à cette voûte noire ;

Et sans cesse, à côté de sa triste mémoire,

Mon esprit, dans ces temps d’oubli contagieux,

Fera veiller dans l’ombre un vers religieux !

Et que m’importe à moi qui, déployant mon aile,

Touche parfois d’en bas à la lyre éternelle,

A moi qui n’ai d’amour que pour l’onde et les champs,

Et pour tout ce qui souffre, excepté les méchants,

A moi qui prends souci, quand la nef s’aventure,

De tous les matelots risqués dans la mâture,

Et dont la pitié grave hésite quelquefois

De la sueur du peuple à la sueur des rois,

Que m’importe après tout que depuis six années

Ce roi fût retranché des têtes couronnées,

Froide ruine au bord de nos flots écumants,

Vain fantôme penché sur les évènements !

Qu’il ne changeât de rien ni le poids ni le nombre,

Que, rasé dès longtemps, son front plongeât dans l’ombre,

Et que déjà, vieillard sans trône et sans parois,

Il eût subi l’exil, première mort des rois !

Je le dirai, sans peur que la haine renaisse,

Son avènement pur eut pour sœur ma jeunesse ;

Saint-Rémy nous reçut sous son mur triomphant

Tous deux le même jour, lui vieux, moi presque enfant ;

Et moi je ne veux pas, harpe qu’il a connue,

Qu’on mette mon roi mort dans une bière nue !

Tandis qu’au loin la foule emplit l’air de ses cris,

L’auguste piété, servante des proscrits,

Qui les ensevelit dans sa plus blanche toile,

N’aura pas, dans la nuit que son regard étoile,

Demandé vainement à ma pensée en deuil

Un lambeau de velours pour couvrir ce cercueil !

Share on Twitter Share on Facebook