III

Tu souffres cependant ! toi sur qui l’ironie

Epuise tous ses traits,

Et qui te sens poursuivre, et par la calomnie

Mordre aux endroits secrets !

Tu fuis, pâle et saignant, et, pénétrant dans l’ombre

Par ton flanc déchiré,

La tristesse en ton âme ainsi qu’en un puits sombre

Goutte à goutte a filtré !

Tu fuis, lion blessé, dans une solitude,

Rêvant sur ton destin,

Et le soir te retrouve en la même attitude

Où t’a vu le matin !

Là, pensif, cherchant l’ombre où ton âme repose,

L’ombre que nous aimons ;

Ne songeant quelquefois, de l’aube à la nuit close,

Qu’à la forme des monts ;

Attentif aux ruisseaux, aux mousses étoilées,

Aux champs silencieux,

A la virginité des herbes non foulées,

A la beauté des cieux ;

Ou parfois contemplant, de quelque grève austère,

L’esquif en proie aux flots

Qui fuit, rompant les fils qui liaient à la terre

Les cœurs des matelots ;

Contemplant le front vert et la noire narine

De l’autre ténébreux

Et l’arbre qui, rongé par la brise marine,

Tord ses bras douloureux,

Et l’immense océan où la voile s’incline,

Où le soleil descend,

L’océan qui respire ainsi qu’une poitrine,

S’enflant et s’abaissant ;

Du haut de la falaise aux rumeurs infinies,

Du fond des bois touffus,

Tu mêles ton esprit aux grandes harmonies

Plaines de sens confus,

Qui, tenant ici-bas toute chose embrassée,

Vont de l’aigle au serpent,

Que toute voix grossit, et que sur la pensée

La nature répand !

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