ODE VINGT-TROISIÈME. À MADAME LA COMTESSE A.H.

Sur ma lyre, l’autre fois,
Dans un bois,
Ma main préludait à peine,
Une colombe descend
En passant,
Blanche sur le luth d’ébène.

Mais, au lieu d’accords touchants,
De doux chants,
La colombe gémissante
Me demande par pitié
Sa moitié,
Sa moitié loin d’elle absente.

Sainte-Beuve.

Oh ! quel que soit le rêve, ou paisible, ou joyeux,

Qui dans l’ombre à cette heure illumine tes yeux,

C’est le bonheur qu’il te signale ;

Loin des bras d’un époux qui n’est encor qu’amant,

Dors tranquille, ma sœur ! passe-la doucement,

Ta dernière nuit virginale.

Dors ; nous prîrons pour toi, jusqu’à ce beau matin.

Tu devais être à nous, et c’était ton destin,

Et rien ne pouvait t’y soustraire.

Oui, la voix de l’autel va te nommer ma sœur ;

Mais ce n’est que l’écho d’une voix de mon cœur

Qui déjà me nommait ton frère.

Dors, cette nuit encor, d’un sommeil pur et doux,

Demain, serments, transports, caresses d’un époux,

Festins que la joie environne,

Et soupirs inquiets dans ton sein renaissant,

Quand une main fera de ton front rougissant

Tomber la tremblante couronne.

Ah ! puisse dès demain se lever sur tes jours

Un bonheur qui jamais ne s’éclipse, et toujours

Brille, plus beau qu’un rêve même !

Vers le ciel étoilé laisse monter nos vœux.

Dors en paix cette nuit où nous veillons tous deux,

Moi qui te chante, et lui qui t’aime !

Nuit du 19 au 20 décembre 1827.

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