ODE VINGT-QUATRIÈME. PLUIE D’ÉTÉ.

L’aubépine et l’églantin,
Et le thym,
L’œillet, le lys et les roses,
En cette belle saison,
À foison
Montrent leurs robes écloses.

Le gentil rossignolet,
Doucelet,
Découpe, dessous l’ombrage,
Mille fredons babillards,
Frétillards,
Aux doux sons de son ramage.

Rémi Belleau.

Que la soirée est fraîche et douce !

Oh ! viens ! il a plu ce matin ;

Les humides tapis de mousse

Verdissent tes pieds de satin.

L’oiseau vole sous les feuillées,

Secouant ses ailes mouillées ;

Pauvre oiseau que le ciel bénit !

Il écoute le vent bruire,

Chante, et voit des gouttes d’eau luire,

Comme des perles, dans son nid.

La pluie a versé ses ondées ;

Le ciel reprend son bleu changeant ;

Les terres luisent fécondées

Comme sous un réseau d’argent.

Le petit ruisseau de la plaine,

Pour une heure enflé, roule et traîne

Brins d’herbe, lézards endormis,

Court, et, précipitant son onde

Du haut d’un caillou qu’il inonde,

Fait des Niagaras aux fourmis.

Tourbillonnant dans ce déluge,

Des insectes, sans avirons,

Voguent pressés, frêle refuge !

Sur des ailes de moucherons ;

D’autres pendent, comme à des îles,

À des feuilles, errants asiles ;

Heureux, dans leur adversité,

Si, perçant les flots de sa cime,

Une paille au bord de l’abîme

Retient leur flottante cité !

Les courants ont lavé le sable ;

Au soleil montent les vapeurs,

Et l’horizon insaisissable

Tremble et fuit sous leurs plis trompeurs.

On voit seulement sous leurs voiles,

Comme d’incertaines étoiles,

Des points lumineux scintiller,

Et les monts, de la brume enfuie,

Sortir, et, ruisselants de pluie,

Les toits d’ardoise étinceler.

Viens errer dans la plaine humide.

À cette heure nous serons seuls.

Mets sur mon bras ton bras timide ;

Viens, nous prendrons par les tilleuls.

Le soleil rougissant décline ;

Avant de quitter la colline,

Tourne un moment tes yeux pour voir,

Avec ses palais, ses chaumières,

Rayonnants des mêmes lumières,

La ville d’or sur le ciel noir.

Oh ! vois voltiger les fumées

Sur les toits de brouillards baignés !

Là, sont des épouses aimées,

Là, des cœurs doux et résignés.

La vie, hélas ! dont on s’ennuie,

C’est le soleil après la pluie…

Le voilà qui baisse toujours !

De la ville, que ses feux noient,

Toutes les fenêtres flamboient

Comme des yeux au front des tours.

L’arc-en-ciel ! l’arc-en-ciel ! Regarde. —

Comme il s’arrondit pur dans l’air !

Quel trésor le Dieu bon nous garde

Après le tonnerre et l’éclair !

Que de fois, sphères éternelles,

Mon âme a demandé ses ailes,

Implorant quelque Ithuriel,

Hélas ! pour savoir à quel monde

Mène cette courbe profonde,

Arche immense d’un pont du ciel !

7 juin 1828.

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