II

Que faire maintenant de toutes mes pensées,

De mon front, qui dormait dans tes mains enlacées,

De tout ce que j’entends, de tout ce que je vois ?

Que faire de mes maux, sans toi pleins d’amertume,

De mes yeux dont la flamme à tes regards s’allume,

De ma voix qui ne sait parler qu’après ta voix ?

Et mon œil tour à tour, distrait, suit dans l’espace

Chaque arbre du chemin qui paraît et qui passe,

Les bois verts, le flot d’or de la jaune moisson,

Et les monts, et du soir l’étincelante étoile,

Et les clochers aigus, et les villes que voile

Un dais de brume à l’horizon !

Qu’importent les bois verts, la moisson, la colline,

Et l’astre qui se lève et l’astre qui décline,

Et la plaine et les monts, si tu ne les vois pas !

Que me font ces châteaux, ruines féodales,

Si leur donjon moussu n’entend point sur ses dalles

Tes pas légers courir à côté de mes pas ?

Ainsi donc aujourd’hui, demain, après encore,

Il faudra voir sans toi naître et mourir l’aurore,

Sans toi ! sans ton sourire et ton regard joyeux !

Sans t’entendre marcher près de moi quand je rêve ;

Sans que ta douce main, quand mon front se soulève,

Se pose en jouant sur mes yeux !

Pourtant, il faut encore, à tant d’ennuis en proie,

Dans mes lettres du soir t’envoyer quelque joie,

Dire : Console-toi, le calme m’est rendu ; —

Quand je crains chaque instant qui loin de toi s’écoule,

Et qu’inventant des maux qui t’assiégent en foule,

Chaque heure est sur ma tête un glaive suspendu !

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