IV

Jourdain ! te souvient-il de ce qu’ont vu tes rives ?

Naguère un pèlerin près de tes eaux captives

Vint s’asseoir et pleura, pareil en sa ferveur

À ces preux qui jadis, terrible et saint cortège,

Ravirent au joug sacrilège

Ton onde baptismale et le tombeau sauveur.

Ce chrétien avait vu, dans la France usurpée,

Trône, autel, chartes, lois, tomber sous une épée,

Les vertus sans honneur, les forfaits impunis ;

Et lui, des vieux croisés cherchait l’ombre sublime,

Et, s’exilant près de Solime,

Aux lieux où Dieu mourut pleurait ses rois bannis.

L’eau du saint fleuve emplit sa gourde voyageuse ;

Il partit ; il revit notre rive orageuse,

Ignorant quel bonheur attendait son retour,

Et qu’à l’enfant des rois, du fond de l’Arabie,

Il apportait, nouveau Tobie,

Le remède divin qui rend l’aveugle au jour.

Qu’il soit fier dans ses flots, le fleuve des prophètes !

Peuples, l’eau du salut est présente à nos fêtes ;

Le ciel sur cet enfant a placé sa faveur ;

Qu’il reçoive les eaux que reçut Dieu lui-même ;

Et qu’à l’onde de son baptême,

Le monde rassuré reconnaisse un sauveur.

À vous, comme à Clovis, prince, Dieu se révèle.

Soyez du temple saint la colonne nouvelle.

Votre âme en vain du lys efface la blancheur ;

Quittez l’orgueil du rang, l’orgueil de l’innocence ;

Dieu vous offre, dans sa puissance,

La piscine du pauvre et la croix du pécheur.