SCÈNE QUATRIÈME.

DON CÉSAR, UNE DUÈGNE.

LA DUÈGNE, sur le seuil de la porte.

Don César de Bazan!

Don César, absorbé dans ses méditations, relève brusquement la tête.

DON CÉSAR.

Pour le coup!

A part.

Oh! femelle!

Pendant que la duègne accomplit une profonde révérence au fond du théâtre, il vient stupéfait sur le devant de la scène.

Mais il faut que le diable ou Salluste s’en mêle?

Gageons que je vais voir arriver mon cousin.

Une duègne!

Haut.

C’est moi don César,—Quel dessein?...

A part.

D’ordinaire une vieille en annonce une jeune.

LA DUÈGNE (révérence avec un signe de croix.)

Seigneur, je vous salue, aujourd’hui jour de jeûne,

En Jésus Dieu le fils sur qui rien ne prévaut.

DON CÉSAR, à part.

A galant dénoûment commencement dévot.

Haut.

Ainsi soit-il! Bonjour.

LA DUÈGNE.

Dieu vous maintienne en joie!

Mystérieusement.

Avez-vous à quelqu’un qui jusqu’à vous m’envoie,

Donné pour cette nuit un rendez-vous secret?

DON CÉSAR.

Mais j’en suis fort capable.

LA DUÈGNE.

Elle tire de son garde-infante un billet plié et le lui présente mais sans le lui laisser prendre.

Ainsi, mon beau discret,

C’est bien vous qui venez, et pour cette nuit même,

D’adresser ce message à quelqu’un qui vous aime,

Et que vous savez bien?

DON CÉSAR.

Ce doit être moi.

LA DUÈGNE.

Bon.

La dame, mariée à quelque vieux barbon,

A des ménagements sans doute est obligée,

Et de me renseigner céans on m’a chargée.

Je ne la connais pas, mais vous la connaissez.

La soubrette m’a dit des choses. C’est assez.

Sans les noms.

DON CÉSAR.

Hors le mien.

LA DUÈGNE.

C’est tout simple. Une dame

Reçoit un rendez-vous de l’ami de son âme,

Mais on craint de tomber dans quelque piége; mais

Trop de précautions ne gâtent rien jamais.

Bref! ici l’on m’envoie avoir de votre bouche

La confirmation...

DON CÉSAR.

Oh! la vieille farouche!

Vrai Dieu! quelle broussaille autour d’un billet doux,

Oui, c’est moi, moi, te dis-je!

LA DUÈGNE.

Elle pose sur la table le billet plié, que don César examine avec curiosité.

En ce cas, si c’est vous,

Vous écrirez: Venez, au dos de cette lettre.

Mais pas de votre main, pour ne rien compromettre.

DON CÉSAR.

Peste! au fait! de ma main!

A part.

Message bien rempli!

Il tend la main pour prendre la lettre, mais elle est recachetée, et la duègne ne la lui laisse pas toucher.

LA DUÈGNE.

N’ouvrez pas. Vous devez reconnaître le pli.

DON CÉSAR.

Pardieu!

A part.

Moi qui brûlais de voir!... jouons mon rôle!

Il agite la sonnette. Entre un des noirs.

Tu sais écrire?...

Le noir fait un signe de tête affirmatif. Étonnement de don César.

A part.

Un signe!

Haut.

Es-tu muet, mon drôle?

Le noir fait un nouveau signe d’affirmation. Nouvelle stupéfaction de don César.

A part.

Fort bien! continuez! des muets à présent!

Au muet, en lui montrant la lettre, que la vieille tient appliquée sur la table.

—Écris-moi là: Venez.

Le muet écrit. Don César fait signe à la duègne de reprendre la lettre, et au muet de sortir. Le muet sort.

A part.

Il est obéissant!

LA DUÈGNE, remettant le billet dans son garde-infante et se rapprochant de don César.

Vous la verrez ce soir. Est-elle bien jolie?

DON CÉSAR.

Charmante!

LA DUÈGNE.

La suivante est d’abord accomplie.

Elle m’a pris à part au milieu du sermon.

Mais belle! un profil d’ange avec l’œil d’un démon.

Puis aux choses d’amour elle paraît savante.

DON CÉSAR, à part.

Je me contenterais fort bien de la servante!

LA DUÈGNE.

Nous jugeons, car toujours le beau fait peur au laid,

La sultane à l’esclave, et le maître au valet.

La vôtre est, à coup sûr, fort belle.

DON CÉSAR.

Je m’en flatte.

LA DUÈGNE, faisant une révérence pour se retirer.

Je vous baise la main.

DON CÉSAR, lui donnant une poignée de doublons.

Je te graisse la patte.

Tiens, vieille!

LA DUÈGNE, empochant.

La jeunesse est gaie aujourd’hui!

DON CÉSAR, la congédiant.

Va.

LA DUÈGNE, révérences.

Si vous aviez besoin... J’ai nom dame Oliva.

Couvent San-Isidro.—

Elle sort; puis la porte se rouvre et l’on voit sa tête reparaître.

Toujours à droite assise.

Au troisième pilier en entrant dans l’église.

Don César se retourne avec impatience. La porte retombe; puis elle se rouvre encore, et la vieille reparaît.

Vous la verrez ce soir! monsieur, pensez à moi

Dans vos prières.

DON CÉSAR, la chassant avec colère.

Ah!

La duègne disparaît; la porte se referme.

DON CÉSAR, seul.

Je me résous, ma foi,

A ne plus m’étonner. J’habite dans la lune.

Me voici maintenant une bonne fortune;

Et je vais contenter mon cœur après ma faim.

Rêvant.

Tout cela me paraît bien beau.—Gare la fin.

La porte du fond se rouvre. Paraît don Guritan avec deux longues épées nues sous le bras.

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