MOVILA LE VATAF

– Movila, le vataf !

– J’écoute, capitaine !

– Parle…

– Moi ?

– Oui, toi… Tu es de notre état-major. Pourquoi es-tu devenu haïdouc ? Parle, en ton nom, au nom de nos compagnons, dont tu es plus près que nous et qui sont plus près de toi que de nous. Ton histoire doit être à peu près la leur. Parle, Movila…

Un murmure de contentement remua les rangs des haïdoucs devant cette marque d’attention de notre capitaine. D’un mouvement de la tête, ils rejetèrent leurs caciulas sur la nuque. Les visages s’épanouirent. Movila se leva, un peu timide, un peu gauche, mais assez impressionnant par la beauté, purement roumaine, de sa figure basanée, son regard dur, ses riches sourcils allant d’une oreille à l’autre, son menton vibrant d’énergie et très mobile. Impressionnant, notre vataf, surtout par cet énorme nez, qui, au moment du danger, se dilatait et se levait en l’air comme une trompette. Il riait rarement, au-dessus de ses moustaches touffues. Son front était marqué, entre les sourcils, par un pli profond qui persistait pendant le sommeil même, ce qui faisait dire aux haïdoucs que Movila rêvait sans cesse de potéras et de vengeances. Vraie ou fausse, cette affirmation laissait l’intéressé impassible. Ce à quoi il rêvait, ce qu’il pensait, nul ne se targuait de le savoir. Ponctuel, réservé, obligeant, Movila ne donnait son avis qu’après avoir été assuré qu’il « ne parlerait pas au vent ». Pour ce qui était de se livrer à des confidences, il eût aimé plutôt se charger de toute la lessive de notre troupe, corvée pénible qui rendait tous les gars de mauvaise humeur.

La curiosité n’en fut que plus forte lorsqu’il commença son histoire :

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