LES MANUFACTURES

En Prusse, en Bohême, en Silésie, en Saxe, les rois et les princes encourageaient ou même suscitaient les manufactures. En Saxe, les premières manufactures de coton furent protégées par un privilège de trente années. A Vienne, Joseph II élargit au contraire et même brise la corporation des grands marchands et il permet le commerce en gros à quiconque possède une fortune de 35.000 florins. En Bohême, le nombre des fabriques qui en 1780 était de 50, s’élève en 1786 à 172, occupant 400.000 ouvriers hommes et dans les trois années 1785-1788, 14.697 nouveaux métiers à tissage entrent en mouvement et occupent 14.962 ouvrières sans compter les ouvriers fileurs. Trieste était un des ports les plus actifs de l’Europe. Un correspondant du Moniteur de l’État rédigé par Schlœzer évalue en 1782 à 21 millions de florins la valeur annuelle des entrées et des sorties ; le mouvement des navires y est de 4.288 en 1788 et de 6.750 en 1790. En Prusse, les fabriques de soie, créées par la volonté de Frédéric-Guillaume Ier et surtout de Frédéric II, se développent rapidement ; Frédéric II poussa aussi les manufactures de laine et permit l’établissement des manufactures de coton que son père, routinier jusque dans l’effort de progrès, avait interdites, sous prétexte qu’elles faisaient concurrence par l’emploi d’un produit étranger à l’emploi d’un produit national.

La Silésie, protégée par des droits prohibitifs contre les fers étrangers, expédiait, en 1788, 11.000 quintaux de fer en Angleterre. De 1763 à 1777, 30.000 ouvriers et artisans affluaient en Silésie, attirés par la tolérance religieuse du roi. Vers la fin du règne de Frédéric II, le produit des fabriques prussiennes était évalué à 30 millions de thalers (environ cent millions de francs), et il est bien entendu que la production à domicile et pour les usages domestiques n’est pas comptée dans ce chiffre. En 1783, il y avait à Berlin 2.316 métiers à soie avec 2.316 ouvriers ; 2.566 métiers à laine avec 3.022 ouvriers.

En Saxe, malgré les souffrances de la guerre de Sept ans, malgré la barrière de tarifs dressée du côté de la Prusse par Frédéric II, les manufactures ont grandi. En 1785 les fabriques de coton ont une production élevée et, dès 1780, des fileuses mécaniques sont introduites. La Saxe veut rivaliser avec l’Angleterre pour l’emploi des machines. Les manufactures de toile, de bas, de gants subissaient des fortunes changeantes. Zittau avait jusqu’à 28.000 métiers à tisser le lin. Les mines saxonnes, d’où était sorti le grand Luther, occupaient 80.000 ouvriers. Les foires de Leipzig donnaient lieu à un mouvement d’affaires de 18 millions de thalers. Des caravanes de marchands russes venaient s’y approvisionner, surtout de soieries françaises. Ainsi il n’y avait pas langueur générale de l’industrie et des échanges ; et comment cela eût-il été possible dans un grand empire qui comptait 30 millions d’habitants, qui avait un sol riche, des traditions splendides de richesse et d’activité et des souverains aussi entreprenants, aussi passionnés que Frédéric II et Joseph II ?

JOSEPH II (D’après une estampe du Musée Carnavalet)

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