LA RÉPLIQUE DE FOX

La bourgeoisie industrielle était en plus d’un point sympathique à un mouvement qui devait accroître son action politique et qui répondait aussi à ces vastes pensées que développent parfois les grandes affaires. Fox traduisait ce sentiment de la partie la plus libérale des classes moyennes lorsqu’il s’écriait à la Chambre des Communes, le 1er février 1793 : « Ne laissez pas se répandre la fatale opinion qu’entre ceux qui ont de la propriété et ceux qui n’en ont pas, il ne peut y avoir communauté d’intérêts et communauté de sentiments. » Il s’appliquait à définir l’égalité en un sens qui n’inquiétait pas les intérêts de la bourgeoisie. « Ce ne sont pas les principes qui sont mauvais et doivent être réprouvés, mais l’abus qui en a été fait. C’est de l’abus des principes et non des principes mêmes qu’ont découlé tous les maux qui affligent la France. L’usage qu’ont fait les Français du mot d’égalité » prête au plus haut degré aux objections. Si on le prend dans le sens où eux-mêmes l’ont pris, il n’est rien de plus innocent : car que disent-ils ? « Tous les hommes sont égaux en droits ». J’accorde très bien cela : tous les hommes ont des droits égaux, des droits égaux à des choses inégales ; l’un a un shilling, un autre a mille livres ; l’un a un cottage, un autre a un palais ; mais le droit chez les deux est le même, un droit égal de jouir, un droit égal d’hériter et d’acquérir, et de posséder l’héritage et l’acquisition. »

C’était une définition bien formelle et bien bourgeoise de l’égalité : en fait, elle répondait aux tendances dominantes de la bourgeoisie révolutionnaire de France ; mais le mouvement social de la Révolution allait au delà : il était plus substantiel, il tendait à un certain rapprochement, à un équilibre des conditions et des fortunes.

Fox atténuait et amortissait le sens du mot « égalité » pour réagir contre la propagande de panique et de terreur des privilégiés. Peut-être, dans l’instabilité et l’inquiétude de l’esprit anglais à ce moment, eût-il dépendu de Pitt, s’il s’était porté du côté de Fox, de constituer un parti de réformes politiques qui aurait compris une part importante de la bourgeoisie industrielle et de la classe ouvrière et qui aurait étendu la puissance de la démocratie sans mettre un moment en question la propriété. Mais il y avait chez-les possédants et les dirigeants un commencement de frayeur et le ministère, en cette fin de 1792, croyait avoir, intérêt à fomenter ces craintes plus qu’à les calmer.

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