WINDHAM DÉNONCE LE JACOBINISME

Windham expliquait ainsi son dissentiment avec Fox. La vraie question est celle-ci :

« Le pays est-il en ce moment en état de danger, oui ou non ? On a dit qu’il n’y avait pas de cause réelle à l’alarme qui s’est répandue parmi le peuple, que toute cette frayeur avait été créée par le gouvernement seul. Il faut vraiment que le gouvernement ait eu une étrange et merveilleuse puissance pour produire ainsi les alarmes qui se manifestaient chaque jour dans tout le pays. Mais ce sont des alarmes sérieuses et bien fondées qui sont créées non pas par le gouvernement mais par ceux qui ont juré inimitié à tout gouvernement. Est-ce que tout le pays ne les ressent pas ? Est-ce que chaque bourg, chaque village, chaque hameau n’est pas plein d’appréhension ? Quelqu’un peut-il entrer dans sa propre maison ou se promener dans la campagne sans constater que cet objet occupe l’attention de toutes les catégories du peuple ?...

... Il est vrai que les mesures (de police) prises maintenant dans tout le pays sont sans précédent ; mais il faut dire aussi que les circonstances sont sans précédent. Sans don le des opinions spéculatives ont été publiées de temps en temps dans ce pays ; mais maintenant la manière de les répandre est toute nouvelle et le fond même de ces opinions est tout nouveau. La machine a été si bien construite, il y a tant d’habileté et d’artifice chez ceux qui la manient que, si le Parlement n’avait pas été sur ses gardes et si la partie sensible et honnête de la communauté n’avait pas été aussi active à en contrarier les effets, toute la forme de notre gouvernement aurait été rapidement détruite.

Je sais qu’il y a une communication constante entre des personnes de Paris et des personnes de Londres dont l’objet est de détruire notre gouvernement. Cette sorte de contre-alliance des Anglais à Paris et des Français à Londres a été formée régulièrement et ses effets se font sentir de la façon la plus alarmante. Dans chaque bourg, dans chaque village et presque dans chaque maison, ces dignes gentlemen ont leurs agents qui répandent régulièrement certains pamphlets ; ces agents sont vigilants et industrieux, ils distribuent ces pamphlets gratis et c’est bien la preuve qu’une société les défraye de leurs dépenses...

... L’art avec lequel ces sentiments (de désobéissance) sont introduits dans les basses classes de la société est consommé. Ces agents de révolte prétendent qu’ils ne proposent que des récits philosophiques ; mais, au lieu de raisonner philosophiquement dans leurs livres, ils font au contraire des assertions catégoriques (they made round assertions) et ils font bien, pour leur dessein, d’agir ainsi, car les personnes auxquelles ils s’adressent sont incapables de suivre logiquement un sujet des prémisses à la conclusion et ce mode de raisonner ne servirait pas leur cause. Et ils ne risquent pas ces assertions avant d’y avoir préparé les esprits : ils gagnent l’affection des hommes en flattant d’abord leurs passions.

La loi, même dans le pays le plus libre du monde, peut-elle permettre à tout homme de prêcher la doctrine qu’il lui plaît et de faire autant de prosélytes qu’il peut ? C’est une question que pour moi, je résous par la négative ; car ces vérités, quelles qu’elles soient, se réduiront à rien si la passion anticipe les conséquences ; or, les pauvres paysans (these poor pensants) n’ont pas le pouvoir de déduire les conséquences et ils sont livrés à la brutalité de l’affirmation. Et je ne vois pas le mal qu’il y aurait à empêcher qu’on explique à un pauvre homme illettré (to a poor illetterate fellow), dont les facultés ne s’étendent qu’à procurer la subsistance à sa famille, des points qui ont divisé les écrivains les plus capables. » Comme si le sentiment aussi n’était pas une lumière ! Comme si la société humaine était une mécanique abstraite réglée par les savants de cabinet ! Comme si la poussée des besoins et des passions ne devait pas entrer dans le calcul de l’équilibre ! Il y a dans les paroles de Windham autant d’étroitesse aristocratique que de peur. Et c’est la peur qu’il veut propager.

La vue des novateurs est de détruire tout droit héréditaire et peut-être ensuite de tenter une égalisation de la propriété (to attempt an equalization of property) ; car un de leurs livres assure qu’un pays ne peut pas être vraiment libre quand il y a trop d’inégalité parmi ses membres. Quelques gentlemen affectent de traiter ces choses avec mépris ; mais ce n’est pas ainsi qu’il les faut regarder. Il est vrai que les hautes classes ne sont pas contaminées par ces principes infâmes ; mais, s’ils voulaient abaisser leurs yeux, ils verraient comme une sorte de feu souterrain qui peut éclater avec la plus prodigieuse violence s’il n’est pas éteint tout de suite. »

Windham reconnaît par là qu’aucune flamme de révolution n’a encore éclaté à la surface du pays ; mais, c’est cette chaleur souterraine(subterranean beat), propagée de France aux couches profondes du peuple anglais, qui l’épouvante.

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