Déjà, et bien plus qu’en France, l’industrie minière, l’extraction du charbon de terre jouent en Angleterre un rôle très grand. Et elle est tout à fait en dehors du système corporatif. On devine, rien qu’à la place qu’elle tient dans l’œuvre d’Adam Smith, son importance croissante. Il en parle à propos de la rente de la terre ». Il en parle encore à propos des salaires et profits ».
Dans quelques endroits de l’intérieur de l’Angleterre, spécialement dans le comté d’Oxford, il est d’usage, même chez les gens du peuple, de mêler le bois et le charbon ensemble dans le foyer : là, par conséquent, il ne peut y avoir une grande différence entre la dépense de ces deux sortes de chauffage.
Le charbon dans les pays à mines de charbon est pourtant fort au-dessous de ce prix extrême, sans cela il ne pourrait pas supporter un transport éloigné, par terre ni même par eau. On ne pourrait en vendre qu’une petite quantité, et les maîtres charbonniers et propriétaires des mines trouvent bien mieux leur compte à en vendre une grande quantité à quelque chose au-dessus du plus bas prix, qu’une petite quantité au prix le plus élevé. En outre, le prix de la mine de charbon la plus féconde, règle le prix du charbon pour toutes les autres mines de son voisinage. Le propriétaire et l’entrepreneur trouvent tous deux qu’ils peuvent se faire, l’un une plus forte rente, l’autre un plus gros profit en vendant à un prix un peu inférieur à celui de leurs voisins. Les voisins sont bientôt obligés de vendre au même prix, quoiqu’ils soient moins en état d’y suffire, et quoique ce prix aille toujours en décroissant et leur enlève même quelquefois toute leur rente et tout leur profit. Quelques exploitations se trouvent alors complètement abandonnées, d’autres ne rapportent plus de rente et ne peuvent plus être continuées que par le propriétaire de la mine.
Le prix le plus bas auquel le charbon de terre puisse se vendre pendant un certain temps est, comme celui de toutes les autres marchandises, le prix qui est simplement suffisant pour remplacer, avec ses profits ordinaires, le capital employé à le faire venir au marché. A une mine dont le propriétaire ne retire pas de rente, et qu’il est obligé d’exploiter lui-même ou d’abandonner tout à fait, le prix du charbon doit en général approcher beaucoup de ce prix.
La rente, quand le charbon en rapporte une, compose pour l’ordinaire une plus petite portion du prix qu’elle ne le fait dans la plupart des autres productions de la terre. La rente d’un bien à la surface de la terre s’élève communément à ce qu’on suppose être le tiers du produit total et c’est pour l’ordinaire une rente fixe et indépendante des variations accidentelles de la récolte. Dans les mines de charbon, un cinquième du produit total est une très forte rente ; un dixième est la rente ordinaire et cette rente est rarement fixe, mais elle dépend des variations accidentelles dans le produit. Ces variations sont si fortes que, dans un pays où les propriétés foncières sont vendues à un prix modéré, au denier trente, c’est-à-dire moyennant trente années de revenus, une mine de charbon vendue au denier dix est réputée vendue à un bon prix.
La valeur d’une mine de charbon pour son propriétaire dépend souvent autant de sa situation que de sa fécondité. Celle d’une mine métallique dépend davantage de sa fécondité et moins de sa situation. Les métaux même grossiers, et à plus forte raison les métaux précieux, quand ils sont séparés de leur gangue, ont assez de valeur pour pouvoir en général supporter les frais d’un long transport par terre et du trajet le plus lointain par mer. Leur marché ne se borne pas aux pays voisins de la mine, mais il s’étend au monde entier. Le cuivre du Japon est un des articles du commerce de l’Europe. Le fer d’Espagne est un de ceux du commerce du Pérou et du Chili ; l’argent du Pérou s’ouvre un chemin non seulement jusqu’en Europe, mais encore de l’Europe à la Chine. Au contraire, le prix des charbons du Westmoreland et du Shrepshire ne peut influer que sur leur prix à Newcastle, et leur prix dans le Lyonnais n’exercera sur celui des premiers aucune espèce d’influence. Les produits de mines de charbon aussi distantes ne peuvent se faire concurrence l’un à l’autre. »
Évidemment, c’est à peine le début de l’industrie des mines. Le charbon de terre, la houille, n’est guère employé que pour le chauffage. Ses grands usages industriels s’annoncent à peine. Mais la houille apparaît dès lors comme un moyen de suppléer dans le chauffage le bois dévore par les manufactures. Certes l’Angleterre était infiniment loin d’avoir et la production houillère énorme et l’immense prolétariat minier qu’elle a aujourd’hui. L’attention des économistes, des hommes d’État anglais commençait pourtant à se porter sur les ouvriers des mines, qui donnaient déjà à la classe ouvrière anglaise, l’exemple des hauts salaires.
« Quand l’incertitude de l’occupation se trouve réunie à la fatigue, au désagrément et à la malpropreté de la besogne, alors elles élève quelquefois les salaires du travail le plus grossier au-dessus de ceux du métier le plus difficile. Un charbonnier des mines, qui travaille à la pièce, passe pour gagner communément à Newcastle environ le double et, dans beaucoup d’endroits de l’Écosse, le triple des salaires du travail du manœuvre. Ce taux élevé provient entièrement de la dureté, du désagrément et de la malpropreté de la besogne. Dans la plupart des cas cet ouvrier peut être occupe autant qu’il le veut. Le métier des déchargeurs de charbon à Londres égale presque celui des charbonniers pour la fatigue, le désagrément et la malpropreté ; mais l’occupation de la plupart d’entre eux est nécessairement très peu constante, à cause de l’irrégularité dans l’arrivée des bâtiments de charbon. Si donc les charbonniers des mines gagnent communément le double et le triple des salaire du manœuvre, il ne doit pas sembler déraisonnable que les déchargeurs de charbon gagnent quatre et cinq fois la valeur de ces mêmes salaires. Aussi, dans les recherches que l’on fit il y a quelques années sur le sort de ces ouvriers, on trouva que sur le pied auquel on les payait alors, ils pouvaient gagner 6 à 10 shillings par jour (un peu plus de 6 à 10 francs) ; or 6 shillings sont environ le quadruple des salaires du simple travail à Londres. »