PAINE ET LE DÉSARMEMENT

Il est vrai que, tant que les budgets de la guerre absorberont, dans les Etats modernes, une si grande part des ressources nationales, il semble insensé d’espérer que les grandes œuvres sociales puissent être largement subventionnées. Mais cela, Paine l’a déjà compris, et il le dit avec une force, avec une netteté admirables. La guerre est, pour lui, le grand ennemi ; et c’est une politique de désarmement simultané qu’il propose aux peuples libres. Peut-être assigne-t-il aux guerres des causes trop particulières et trop superficielles. Il est certainement injuste envers Pitt lorsqu’il lui attribue une sorte de frénésie permanente de desseins belliqueux. La guerre, selon lui, est une occasion, ou mieux un prétexte, pour les rois et leurs ministres, d’élever des taxes et de diminuer les libertés. La guerre est la moisson des rois. » Paine ne tenait point assez compte ou des contrariétés profondes des intérêts économiques ou de l’inévitable orgueil collectif des nations et des démocraties mêmes. Mais c’est d’un vouloir ferme et précis qu’il s’attachait à détruire la guerre. Il lui semblait que si la France, l’Angleterre et la République des Etats-Unis formaient l’alliance des peuples libres, il serait possible à ces trois puissances de réduire d’emblée de moitié leur marine et de proposer aux autres nations une réduction équivalente. C’est avec les économies réalisées sur les dépenses militaires que seraient créés, pour une large part, les services sociaux institués par Paine au profit du travail, de l’enfance et de la vieillesse. Et il lui paraissait qu’il n’y aurait vraiment liberté que « lorsque les ateliers seraient pleins, lorsque les prisons seraient vides et qu’on ne rencontrerait plus un seul mendiant dans les rues ». Paix, désarmement, suffrage universel, éducation universelle, assurance universelle contre tous les risques de la vie, voilà le programme net et grand de Paine. Et comme ses livres, presque immédiatement traduits portaient en France sa pensée, le fleuve de la Révolution se grossissait sans cesse d’idées et de forces admirables. On dirait que tout flot humain a dû couler un moment dans ce grand lit.

Le livre de Paine prenait le public anglais à la fois par la hardiesse brutale de la forme et par l’ampleur des idées :

Je défie, écrivait Paine orgueilleusement, que la vente des livres qui me réfutent atteignent le quart de la vente du mien. »

Si nous n’avions vu, à l’analyse de fond de l’état politique et social de l’Angleterre, par quelles ancres indéracinables le vieux vaisseau de la Constitution anglaise était encore retenu, nous serions tentés de croire qu’il va être soulevé par le flot, par le large courant de démocratie ardente.

Share on Twitter Share on Facebook