Un homme est venu avec sa femme de je ne sais quel département, pour solliciter une place dans une administration particulière. – Cet homme est timide et maladroit, sa femme ne manque ni de grâce, ni d’assurance.
– Laisse-moi faire les démarches, dit-elle à son mari, tu nous feras tout manquer si tu parais.
– Mais, ma chère, on dit l’administrateur fort galant, et tu es si jolie…
– Il se moque bien de ma beauté !
– Cependant, tu comptes un peu sur l’effet qu’elle produira pour la réussite de nos projets ?
– Je n’y pense guère ; – je compte sur nos droits, sur tes talents.
– Je veux bien que tu ailles chez M. ***, mais il faudrait que tu pusses laisser tes attraits à la maison.
– C’est difficile.
– Non, si tu me laisses faire.
– Eh bien ?
– Eh bien ! laisse-moi te peindre légèrement le nez en rouge chaque fois que tu iras solliciter.
La femme refuse, et il n’y a pas une femme, fût-ce la plus honnête et la plus dévouée, qui accepterait.
À propos de peinture, les femmes continuent à se peindre outrageusement. – On a vu dernièrement une mesure de l’autorité qui prescrit, pour les travaux du gouvernement, l’emploi du blanc de zinc, en remplacement du blanc de céruse, qui, dit-on, est une substance fort malsaine, tant dans la préparation que dans l’emploi ; – à plus forte raison comme comestible. – Eh bien ! il serait bon, puisque les femmes sont décidées à se peindre si énergiquement, qu’on leur ordonnât, sous les peines les plus sévères, de renoncer à se badigeonner avec du blanc de céruse, et qu’elles lui substituassent l’inoffensif blanc de zinc. – Cueillez donc un baiser sur le front ou sur les joues d’une femme peinte au blanc de céruse ! Vous respirez, vous mangez du blanc de céruse, et vous êtes pris d’atroces coliques. Cela peut jeter les hommes galants dans de grandes perplexités et d’étranges hésitations, et donner de la retenue et de la modestie aux plus aventureux et aux plus entreprenants ; on y regarde à deux fois avant de dérober des faveurs vénéneuses. – Les femmes peintes au blanc de céruse sont un peu comme ces propriétés riantes et ombreuses, sur les murs desquelles le propriétaire a écrit : « Ici, il y a des pièges à loups. »