La fermeture des maisons de jeu, – où n’allaient que les vrais joueurs, les joueurs déterminés, les joueurs acharnés, – et où on jouait dans des conditions et avec des chances convenues et immuables, où la police exerçait une surveillance perpétuelle et infaillible, – cette fermeture a amené l’ouverture de deux cents tripots, cavernes béantes, appelées salons, où viennent des gens qui ne seraient pas entrés dans « une maison de jeu, » où les chances du jeu sont remplacées par l’adresse et la filouterie, – et où la police n’exerce aucune surveillance, car elle n’y peut paraître que pour les fermer, c’est-à-dire pour les envoyer s’ouvrir ailleurs.
Il en est de même de la prostitution. – Autrefois, les malheureuses qui s’y livrent se promenaient le soir au Palais-Royal, dans des costumes bizarres et extravagants. – La morale moderne a obtenu à ce sujet plusieurs résultats. – Elle a chassé les filles publiques du Palais-Royal, elle leur a imposé un costume décent et semblable à celui des femmes honnêtes.
Or, – autrefois, ceux-là seuls rencontraient les filles publiques qui les allaient chercher ; – aujourd’hui, on les rencontre partout.
Il fallait être bien décidé pour aborder une femme dont le costume annonçait à tous les yeux la profession. – Il n’en est pas de même aujourd’hui. – De plus, beaucoup de femmes, qui ne se seraient jamais décidées à s’habiller en filles publiques, n’hésitent pas à exercer cette triste profession depuis que rien ne l’indique extérieurement. De cette morale est née la lorette, – qui a étendu la prostitution comme une tache d’huile. – Je ne puis dire ici les inconvénients qui en résultent.
Toujours dans le même ordre d’idées, la philanthropie et la morale féroce des modernes ont imaginé d’abolir les tours, – cette invention qui permettait à une fille trompée, séduite, abandonnée, de cacher à la fois les fautes d’un autre, dont la société fait retomber le déshonneur sur elle seule, et de laisser la vie à la pauvre petite créature abandonnée comme elle.
On ferme les tours de toutes parts, ou du moins on exige que la mère se fasse connaître, – pour ne pas encourager la débauche, dit-on. – Est-ce que ce sont les gouttières qui amènent la pluie ? – On dépose aujourd’hui, – je l’ai déjà dit, – beaucoup moins d’enfants dans les tours ; mais, en revanche, on en dépose beaucoup plus dans les latrines et dans les étables à porcs. – Le nombre des infanticides croît de jour en jour.
On parle de décanoniser saint Vincent de Paul ; lui aussi est accusé d’outrage aux mœurs, – et il va être prochainement chassé du ciel pour avoir le premier ramassé les pauvres enfants abandonnés, et avoir inventé les tours.