XXX. Sur la toilette

Beaucoup de femmes ramenaient hier leurs cheveux sur leur front, de telle façon qu’elles ne laissaient entre les deux bandeaux qu’une petite raie de chair et que les cheveux couvrent la moitié des sourcils. Le front était supprimé. – Aujourd’hui on le découvre tout entier, même celles qui n’en ont pas. La croupe se porte toujours au milieu des reins et continue à être dans les proportions les plus hottentotes. Quand on se rappelle que sous l’Empire elles avaient mis la ceinture sous la gorge ; qu’un peu auparavant elles avaient imaginé des coiffures au beurre et à la farine qui mettaient le visage au milieu du corps, on se dit que, si les femmes avaient fait la femme, c’est-à-dire que, si aujourd’hui la femme avait en réalité gardé tous les perfectionnements que les femmes ont successivement imaginés par la toilette, la femme serait un monstre assez hideux ; et, ce qu’il y aurait de pis, c’est qu’il faudrait l’aimer comme cela.

Il est singulier de voir les femmes arriver successivement dans un salon et se faire subir réciproquement un rapide et sûr examen de la tête aux pieds : il semble des combattants qui cherchent d’avance le défaut des armures de leurs adversaires. Chaque pièce de la parure est, en effet, une arme offensive et défensive : offensive contre les hommes, défensive contre les femmes.

La toilette est la cuisine de la beauté. Chaque femme, chaque jour, imagine des ragoûts pour ses charmes, qu’elle doit servir le soir à l’admiration affamée des regards.

Où encore on peut dire que la beauté particulière est pour chaque femme un sonnet, qu’elle retouche tous les jours : elle ajoute, elle efface, puis elle le lit le soir devant les hommes et les autres femmes, qui sont des juges également prévenus en sens opposé. Le prix est payé en amour et en haine. La femme victorieuse tient autant à l’une qu’à l’autre de ces deux monnaies.

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