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Dans un coin du salon, Stephen seul avait les yeux tournés vers la porte, et, chaque fois que l’on annonçait quelqu’un, un sourire involontaire se dessinait sur sa figure.

C’était chez la tante de Magdeleine ; cette dame ne recevait que des personnes graves, et sa maison n’aurait offert que peu d’intérêt aux jeunes gens : depuis la mort de son frère, on ne dansait plus chez elle.

Edward entra.

Stephen pâlit.

Edward salua tout le monde et feignit de ne pas le voir.

— Ma tante, dit-il, ma femme n’a pu se rendre à votre invitation ; notre fils souffre beaucoup de ses premières dents, et elle ne veut pas perdre un de ses cris ni une de ses douleurs.

Ces mots : notre fils, retombèrent comme du plomb sur le cœur de Stephen ; il sortit brusquement, oubliant ce qu’il attendait en souriant quelques instants auparavant.

Comme dans le salon quelques-uns jouaient au whist, d’autres, et c’était le plus grand nombre, causaient politique, un laquais, étouffant avec son mouchoir un rire convulsif, annonça : « M. le marquis Melchior ! »

Et, à la vue du marquis, les femmes jetèrent d’horribles cris et se cachèrent la tête dans les mains, et des hommes, quelques-uns, étonnés, étourdis, se regardaient entre eux, s’interrogeant des yeux ; les autres se prirent à rire et à se rouler par terre.

Le marquis, sur l’assurance que lui avait donnée Stephen que cette soirée était un bal, avait imaginé de se costumer en Amour ; il était tout vêtu de couleur de chair, avait des petites ailes bleues et un carquois sur le dos, et un arc à la main.

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