LXXXIII Magdeleine à Stephen

Vous êtes le plus généreux des hommes, Stephen ; le ciel vous doit une récompense : vous l’aurez. Vous avez encore la fièvre, mais elle passera, et alors vous comprendrez que, pour vous et pour moi, l’amitié vaut mieux que l’amour ; ce que vous aimiez, ce n’était pas moi ; ce n’était pas une femme, c’était une divinité, une fille de votre imagination ; votre amour aurait exigé de moi des perfections que je n’ai pas, qui n’appartiennent pas à une mortelle.

Mon amitié est à vous, Stephen, à vous pour la vie, et, comme elle n’est pas fondée sur des perfections imaginaires, mais sur ce que vous êtes réellement, elle ne pourra ni s’éteindre ni décroître.

J’ai encore une prière à vous faire.

Cette fois, je ne m’adresse pas à votre cœur, mais à votre honnêteté.

Je ne puis épouser M. Edward en laissant un lien entre vous et moi : il faut que vous me rendiez mes lettres, non que j’aie pu penser un moment que vous soyez capable d’en abuser, mais je n’oserais jurer à mon époux d’être à lui tant que vous les auriez entre les mains.

Cette demande va vous révolter, vous allez refuser ; mais attendez à demain pour me répondre, et pensez que, sans cette grâce que je vous demande, tout ce que vous faites pour moi n’est rien. Songez que ce que je vous demande est un devoir.

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