XXVIII Magdeleine à Stephen

Tu es parti, tu es loin de moi, je ne te verrai plus, ô mon Stephen ! mon unique ami ! Tu es parti, je perds tout ; et moi, c’est moi qui t’ai dit de partir ! Tout ce que j’ai dit, ce que la raison me dictait, il n’y avait pas un mot qui exprimât ma pensée ! Tu es parti, et je ne t’ai pas vu, et mes yeux ne t’ont pas juré un amour éternel ! Toute consolation m’est donc refusée ! Quel bonheur j’aurais donc éprouvé à t’adresser mes adieux, à te laisser voir mes larmes et ma douleur, à la voir partagée par toi !

Mais non ! tes larmes, à toi, m’auraient déchiré le cœur : il est mieux que je n’aie pu te parler. Quel courage n’eût-il pas fallu pour résister à ce dernier entretien ? quelle contrainte n’y aurais-je pas apportée ? je n’aurais pas voulu te montrer le fond de mon cœur, et il est si difficile de le cacher à son ami !

À peine réveillée, je suis descendue au jardin ; j’avais presque l’espérance de t’y voir ; je n’ai rien trouvé, que ce bouquet que tu as laissé pour moi ; je l’ai mis dans mon sein et je suis allée chercher tes lettres. Je suis venue les lire à l’endroit où nous avons passé ensemble des heures si heureuses, sous le ciel qui était encore hier le même pour nous deux. En les relisant, il me semblait que tu étais encore près de moi, que ces paroles d’amour étaient vivantes, et que c’était ta voix qui les prononçait ; et quand j’ai relevé la tête, rien, rien auprès de moi sur le banc de bois : ta place était vide ! Je me suis mise à pleurer amèrement ; et quand mes larmes ont eu un peu soulagé mon cœur, j’ai cherché tout ce qui pouvait te rendre présent à mes yeux : j’ai vu le gazon encore penché de la trace de tes pas, et j’ai encore relu tes lettres en les couvrant de baisers ; j’y ai trouvé ce nom si doux que tu m’y donnes. Oui, Stephen, je suis ta fiancée ; cette idée doit sécher toutes tes larmes. Tu es parti, mais c’est notre bonheur que tu vas assurer ; j’aurai du courage, de la raison ; mon avenir est paré de riantes couleurs ; qu’il sera beau, tout à toi ! Nous avons un temps d’épreuves à supporter ; mais qu’il est court, comparé à tout ce qu’il nous restera de vie heureuse ! Allons, mon Stephen, du courage, de l’espérance ! elle embellit le présent autant que l’avenir, elle fortifie le cœur, attachons-nous à elle.

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