XXI Stephen à Magdeleine

Oui, qu’ai-je fait ? J’ai porté une affreuse blessure à mon bonheur.

Quoi ! vous ne pouvez me pardonner un baiser comme en donne un frère à sa sœur ? et pourtant, Magdeleine, si j’avais cédé à la fièvre qui me brûlait, c’est un baiser d’amour que je t’aurais donné.

Ce baiser, que je vous ai surpris, il me fait plus de mal qu’à vous ; ce n’est pas du bonheur. Je vous ai surpris ce que vous deviez me donner ; ce baiser, qui courait dans mes veines comme du feu, il ne vous a pas émue, il vous a contrariée ; c’est comme un baiser que j’aurais donné au front de marbre d’une statue ou d’une morte ; il m’a glacé le cœur. Je n’en veux pas non plus, de vos baisers froids ; si j’avais su vous le surprendre, ce baiser ; si j’avais su que celle que je sentais respirer sur ma poitrine était calme et glacée ; que son cœur ne battait pas plus fort que d’ordinaire ; que son sang coulait ni plus chaud ni plus rapide ; que sa main dans la mienne ne tremblait que de peur, je l’aurais repoussée loin de moi comme un serpent. Ce que j’aime, Magdeleine, ce n’est pas votre corps, ce n’est pas votre esprit, c’est votre amour. Si vous ne m’aimez pas, ou si vous m’aimez d’un froid et ridicule amour de salon, d’un amour qui ne soit pas toute la vie, ne me craignez pas. Magdeleine, je ne vous surprendrai pas de faveurs. L’amour n’accorde pas, encore moins il doit se faire dérober ; il donne, et il est heureux de ce qu’il donne.

Magdeleine ! Magdeleine ! vous ne comprenez pas l’amour, il faut que je vous remercie du bonheur que vous m’avez accordé, car j’en ai eu plein mon cœur, je l’ai senti déborder ; il faut que je vous remercie, car ce bonheur, je vous l’ai surpris, vous ne l’avez pas partagé.

Ô Magdeleine ! au nom du ciel, un mot d’amour, un mot qui me calme, qui me console, qui me rende la croyance au bonheur.

Et quoi qu’il arrive, pensez que votre honneur et votre pureté me sont aussi chers qu’à vous-même.

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