LXXV Stephen à Magdeleine

Est-il donc vrai, Magdeleine, que tu m’abandonnes ? Et pas un mot d’adieu, pas un mot de pitié ! Pourtant, si tu me voyais en ce moment, moi ; si tu me voyais le visage inondé de larmes, me refuserais-tu un regard, un mot ? Ta voix me ferait tant de bien ! Je suis si malheureux, si abattu en ce moment, que je me contenterais de ta pitié ; je ne demanderais qu’à te servir comme un esclave ou à ramper à tes pieds comme un chien, pourvu que je pusse respirer l’air que tu respires, te voir et t’entendre.

Est-ce toi, Magdeleine, toi, si bonne, si douce, qui me laisseras périr de douleur sans daigner jeter sur moi un regard que je te demande en pleurant ?

Si je te voyais, je me traînerais après toi sur les genoux ; tu m’écouterais. Je… je ne puis ni parler ni écrire. Que te dirai-je ? Je pleure, je te supplie, je t’implore comme on implore Dieu, et tu ne m’entends pas.

Je t’aime, Magdeleine, je t’aime ; aie pitié de moi, aie pitié du pauvre proscrit ; il a tant souffert ! il souffre tant !

Si tu ne me juges plus digne de ton amour, donne-moi ton amitié, donne-moi ta pitié ; mais il me faut quelque chose de toi. Échauffe encore mon âme de ton regard, nourris-moi de ta douce voix, accepte-moi pour esclave, c’est tout ce que je demande ? prends pour toi ma vie et mon avenir.

Écoute ma voix, Magdeleine : en as-tu oublié le son ? Autrefois, elle parlait à ton cœur. Écoute ma voix, aujourd’hui entrecoupée de sanglots ; elle te crie : « Grâce ! grâce ! »

N’as-tu donc ni souvenirs ni humanité ?

Depuis que j’ai appris mon malheur, mes souvenirs, mes beaux souvenirs d’amour et d’espérance viennent comme un cauchemar peser sur ma poitrine.

J’ai mal, j’ai mal, j’ai horriblement mal : aie pitié de moi, un peu de baume sur mes plaies saignantes. J’ai bien mal : aie pitié de moi !

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